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ment M. Chauffard peut-il l’oublier jusqu’à l’accuser de mettre l’âme en dehors du corps ? Ayant fait le corps, l’abandonnerait-elle à lui-même, d’après Stahl ? Non, car elle veille à sa conservation, elle le répare, le restaure. Qui donc a foi plus que Stahl dans la vis medicatrix ? Il y a là un singulier oubli ou quelque malentendu dont nous ne nous rendons pas bien compte.

En défendant Stahl, nous nous défendons un peu nous-même, puisque, d’après M. Chauffard, nous serions plus ou moins complice de son erreur. Il est vrai que sa bonne conscience l’oblige de reconnaître que, si nous en sommes demeuré à l’animisme, du moins nous avons fait quelque effort pour le rendre plus vivant. Cela n’est que justice ; partout en effet nous avons combattu, et même avec une certaine vivacité, la chimère d’une âme étrangère au corps qu’elle habite, réduite au rôle du pilote dans un vaisseau. Si nous ne résistions à la tentation de nous citer, nous rappellerions que nous nous sommes moqué de l’hypothèse de ces principes de vie venant du dehors, suspendus et flottant dans le vide avant de s’accrocher pour ainsi dire à des organes tout formés, on ne sait par qui ni comment. Mais en cela, n’en déplaise à M. Chauffard, nous avons cru suivre Stahl plutôt que le réformer ou le combattre.

Ce qui achèvera sans doute de convaincre le savant professeur qu’il se trompe en nous attribuant, pour une part quelconque, cette erreur prétendue, c’est le complet acquiescement que nous donnons à ce qu’il dit lui-même et à ce qu’il répète avec tant de force sur la pénétration mutuelle, au sein de la cellule vivante, de l’organisme et de la vie, sur l’imprégnation de l’âme et de la matière organisée, au risque peut-être d’émouvoir quelques spiritualistes trop ombrageux. Les organes, dit M. Chauffard, n’existent, ne se transforment, ne se renouvellent que par la vie : « Ils sont la vie, même se manifestant par une évolution sans repos. La vie c’est l’organisme évoluant, c’est l’être humain considéré dans son développement légitime. » Nul, comme on le voit, n’est plus éloigné, et nous l’en louons, de faire de la vie une entité séparée. Il est au contraire bien près, peut-être sans le savoir, de revenir à la formule si profonde, et bien autrement précise, d’Aristote : l’âme est la forme du corps.

Nous sommes en complet accord avec M. Chauffard quand nous arrivons aux chapitres sur l’idée de vie dans la physiologie contemporaine et sur les attributs essentiels de la vie opposés au mécanisme.

Là, avec beaucoup de savoir, de force, de raison et d’habileté de dialectique, il prend en main victorieusement, à ce qu’il nous semble, la cause, la défense des doctrines qui, suivant lui, sont fondamentales en physiologie et en médecine, à savoir que l’âme est la cause universelle, qu’âme et vie sont identiques, que la vie, avec l’unité, la spontanéité, la finalité qui la caractérisent, ne peut être une collection de phénomènes ni un simple produit de la causalité physique.

Tout en combattant un certain nombre de physiologistes contemporains, il ne néglige pas de faire déposer en sa faveur, malgré bien