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analyses. — chauffard. Études et problèmes de biologie.

cice dans l’être à son complet état de développement, il n’en est pas de même dans le germe où elle est en voie de formation et partiellement à l’état latent, à côté de forces déjà agissantes. Enfin la fatigue est le propre des forces spontanées de l’être vivant ; elles ont besoin de repos ; au bout d’un certain temps, elles s’épuisent et s’éteignent. Voilà bien des oppositions profondes d’où M. Chauffard nous semble légitimement conclure que la vie est toute autre chose qu’un simple prolongement du mouvement physique ou une transformation des forces universelles de la matière.

En faveur de cette même démonstration d’une idée directrice et finale incarnée dans le germe, il ne tire pas moins bon parti des phénomènes d’hérédité. Comment, en effet, expliquer par des causes purement physiques ou chimiques un si grand nombre de faits d’hérédité, d’atavisme physiologique, pathologique ou moral ? D’où découlera et comment se transmettra cette imprégnation d’une qualité ou d’un vice, s’il n’y a pas un principe de vie déjà diversement affecté au sein du germe lui-même ? Enfin il défend non moins heureusement, à notre avis, contre M. Littré, l’existence d’une finalité conservatrice dans l’être organisé ou d’une force médicatrice en vertu de laquelle il tend toujours à se conserver et, pour ainsi dire, à réparer lui-même ses brèches. Selon M. Littré, certains physiologistes ou médecins n’ont voulu voir qu’un côté de la question et ont fait preuve d’une singulière préoccupation d’esprit pour ne pas apercevoir à côté de la nature bienfaisante une nature malfaisante, c’est-à-dire pour voir autre chose dans l’organisme que des propriétés en action. M. Chauffard ne mérite pas ce reproche ; il a vu parfaitement les deux côtés de la question ; il a vu la nature malfaisante tout comme la nature bienfaisante, mais il explique comment l’une et l’autre se tiennent nécessairement et confirment également, au lieu de la détruire, la finalité conservatrice. Il discute et réduit à leur juste valeur les faits allégués, les diverses objections, et particulièrement celle de l’absorption d’un poison ou d’un venin mortel que la nature se hâte de pomper, au lieu de le rejeter, comme elle le ferait, à ce qu’il semble, si elle était douée de la vertu conservatrice qu’on lui suppose. Sans doute l’absorption en ce cas devient funeste ; mais à quoi s’en prendre ? L’absorption en elle-même n’en est-elle pas moins la fonction conservatrice de l’organisme ? Le mal ne vient donc pas d’une nature malfaisante, mais des conditions extérieures au milieu desquelles l’être vivant a été fatalement placé. Il n’y a pas plus de raison d’accuser l’absorption d’accueillir, au lieu de le rejeter, un venin funeste, que d’accuser nos tissus de ce que la chute d’un corps les écrase ou qu’un glaive les traverse. Il n’y a là qu’une nature troublée, arrêtée dans son développement par des conditions hostiles, mais non pas une nature malfaisante. Ainsi, pour combattre un excès, M. Chauffard ne donne pas dans un autre. Il convient qu’il n’est pas non plus exact d’imaginer une nature bienfaisante agissant intentionnellement pour écarter le mal ; ce sont là deux termes égale-