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ment impropres. La vérité est qu’il y a dans l’être vivant une nature qui va à ses fins, d’une manière aveugle et fatale, conformément à ses lois et au but qu’elle doit atteindre.

J’ai dû me borner à indiquer quelques-unes de ces questions ; j’ai dû même en passer tout à fait sous silence un certain nombre d’autres où il faudrait un physiologiste pour aller plus avant et pour discuter les faits, les expériences et les raisonnements. Je m’arrêterai davantage à une dernière question qui touche plus spécialement au domaine de la psychologie et de la philosophie. Il s’agit en effet de savoir quelle est l’essence de l’âme.

Après avoir défendu en diverses rencontres, dans ce même ouvrage, comme nous avons eu soin de le faire remarquer, la notion de force vitale contre tout ce qui lui semblait la diminuer, l’obscurcir, la changer en abstraction, soit dans les doctrines de Stahl, soit dans celles de Claude Bernard, M. Chauffard, en passant d’un chapitre à l’autre, change tout à coup, à notre grand étonnement, de doctrine et de langage. Dans notre première édition du Principe vital et de l’Âme pensante, comme dans la seconde, nous avions dit avec les plus grands philosophes spiritualistes anciens et modernes, avec Platon, Aristote, Leibniz, Maine de Biran, que l’âme est une force, que comme toute force elle a pour manifestation l’effort et le mouvement ; nous n’avions pas hésité à faire de l’énergie motrice non pas une simple faculté, comme quelques psychologues, mais l’essence même de l’âme. Cette définition, qui seule s’applique à toutes les âmes de la nature, qui seule nous semblait permettre d’unir dans l’âme humaine la pensée et la vie, n’éveillait alors aucun scrupule dans l’esprit de M. Chauffard ; non-seulement il ne la critiquait pas, mais il l’approuvait. On dira peut-être que, dans un intervalle de plusieurs années, il a bien pu changer de sentiment et apercevoir des inconvénients, des erreurs graves, là même où d’abord il n’avait rien vu de pareil. Mais au moins aurait-il dû éviter de se mettre en désaccord avec lui-même dans les divers articles du chapitre d’un même ouvrage. Quel est donc ce monstre que tout à coup il a cru découvrir, là où d’abord il n’avait rien vu que d’innocent et même de favorable à ses propres doctrines ?

Après nous avoir fait l’honneur de longuement nous citer, il résume ainsi notre doctrine : « L’âme est une force motrice en action continue contre les organes ; cette force s’attache à la matière organique, lui imprime des mouvements, une direction particulière qui détermine la vie. L’énergie motrice de l’âme fait la vie. » Voilà bien notre pensée, et voilà ce que l’auteur croit devoir combattre, non moins vivement que le mécanisme lui-même, comme une opinion presque aussi dangereuse et aboutissant à des conséquences semblables. Cependant il ne va pas jusqu’à prétendre que cette notion de l’âme et de la vie soit absolument erronée ; il veut même bien reconnaître — nous citons ses expressions — qu’elle répond à une certaine réalité, puisqu’elle attribue à l’âme et à la vie ce caractère d’activité continue sans laquelle elles cesseraient