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analyses. — benno erdmann. Kant’s Prolegomena.

après coup, s’interprète aisément. Les §§ 1-5 correspondent à la préface de la Critique ; les §§ 6-13 correspondent à l’esthétique transcendantale ; les §§ 14-26, 32-39, à l’analytique ; enfin les §§ 40-56 se rapportent à la dialectique,

II. Influence de Hume sur la formation et le développement de l’idée critique (p. lxxx-xcix). — Comme on le voit, ce sont les additions qui fournissent les indications les plus précieuses sur le développement de la pensée de Kant. Sur ses rapports avec Hume notamment, elles sont très-explicites. Kant salue dans Hume son « prédécesseur ». Si l’on avait bien compris sa pensée, « la vraie métaphysique était fondée. » En effet, il a posé le problème fondamental de la connaissance : Comment est possible a priori la liaison de causalité ? — Kant lui doit « la première étincelle de cette lumière » que la Critique a fait briller dans « la voie ouverte par cet homme pénétrant » ; car il est d’accord avec lui sur la première partie de la solution du problème : « nous ne voyons pas par la raison la possibilité de la liaison causale, » c’est-à-dire en tant que la causalité s’applique aux choses elles-mêmes. Voilà « l’avertissement » qu’il a reçu de lui, la pensée de délivrance, qui l’a tiré pour toujours « de son sommeil dogmatique ». — Mais « nous pouvons nous faire une idée très-claire de la liaison de deux représentations de notre esprit » ; la liaison causale n’est pas une association empirique, elle est possible a priori comme la forme de l’expérience possible. Le concept n’est pas dérivé de l’expérience, c’est l’expérience qui en dérive, « rapport tout opposé à celui que Hume concevait et qui ne lui vint jamais à l’esprit. » Voilà la solution propre de Kant, l’idée organique de la Critique[1].

À quel moment a-t-elle dû se présenter à lui ? Il est possible de déterminer une date précise, et ce n’est pas celle qu’on serait tenté d’abord d’assigner. Dans le passage où il fait honneur à Hume de l’éveil de son génie critique, il dit expressément : « J’étais fort éloigné d’être de son avis sur les conséquences. » Or il avait reçu bien des années auparavant, et certainement dès 1762, l’excitation du doute fécond de Hume, sans apercevoir d’abord la route étroite qui côtoie son scepticisme sans conduire aux abîmes. Il était tout à fait sous son influence, lorsqu’en 1766 il écrivait les Songes d’un visionnaire. C’est seulement en 1769 qu’il se sépare décidément de lui par un progrès intérieur de sa pensée, du probablement à la découverte des antinomies de la raison. « Ce phénomène, le plus curieux de la raison, propre à jeter le philosophe critique dans l’inquiétude et la réflexion, » excellent pour « secouer le sommeil dogmatique », et qui « conduit à chercher le premier fondement de toute la connaissance de la raison pure[2], » n’est-ce pas là ce qui dessilla les yeux de Kant et lui rendit manifeste l’idéalité du temps et de l’espace ? Dans la Critique, il déclare que la doctrine de l’antinomie

  1. Voy. Prolég., p. 14, 17, 95, 98.
  2. Prolég., p. 137, 139, 141.