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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/226

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Dans les opérations intellectuelles plus compliquées, la pensée peut se produire sans le secours des mots : ainsi, l’on peut jouer aux échecs, aux dames, sans même connaître le nom des pièces.

Il y a même des conceptions qui dépassent l’expression verbale, et pour lesquelles il n’y a pas de mots, telles sont par exemple certaines conceptions artistiques.

Le rôle que joue l’intelligence dans les perceptions sensorielles et dans les actions de la vie journalière, est mis en relief par ce que l’on peut observer dans l’aliénation mentale et dans l’idiotie. Si les enfants imbéciles sont lents à apprendre à marcher ou à exécuter d’autres mouvements ; si, même après avoir appris à marcher, leur allure est lente, incertaine et gauche, s’ils sont maladroits de leurs mains, s’ils sont incapables de tout travail qui demande de la dextérité, on ne peut se contenter d’expliquer leur infériorité par un défaut de puissance nerveuse, par la faiblesse ou le manque de la capacité motrice. Si ces explications sont bonnes dans quelques cas, il faut reconnaître que, dans beaucoup, l’état des idiots tient à un défaut du pouvoir directeur de l’intelligence.

De même, il n’est pas douteux que, dans la folie, la faculté d’interpréter les sensations ne soit troublée, et beaucoup des illusions des aliénés sont des sensations perverties.

Le second paragraphe de ce travail est consacré à l’étude des rapports des mots et de la pensée.

Quand nous entendons un mot, la pensée suit immédiatement, si bien qu’il paraît y avoir entre le mot et la pensée une association inséparable : cette opinion a été soutenue par Max Mueller. Mais « il n’est pas difficile de voir qu’un son qui symbolise certaines significations n’a aucun rapport naturel avec ces significations. Des sons très-différents sont employés par des peuples qui n’ont pas le même langage et la construction des langues, quoique ayant toujours un rapport nécessaire avec la pensée humaine, est très-variée. Du reste, ce qui montre bien que la corrélation absolue de la pensée et des mots n’est pas nécessaire ce sont ces cas où les mots nuisent à la pensée comme dans les grandes conceptions scientifiques, artistiques et métaphysiques, et le Dr Ireland cite l’exemple curieux du célèbre Hunter, chez qui existait une disproportion entre le pouvoir de penser et le pouvoir d’exprimer ses pensées.

Mais c’est le cas fameux du professeur Lordat que le Dr Ireland cite avec le plus de complaisance. Lordat fut aphasique pendant plusieurs mois. Il avait perdu si complètement la mémoire des mots qu’il ne comprenait pas un seul mot de ce qu’on lui disait, et cependant il pouvait combiner des idées abstraites ; habitué pendant plusieurs années à l’enseignement, il était capable de combiner mentalement les principales propositions d’une leçon, etc.

Bien que Trousseau, Kussmaul, mettent en doute l’authenticité de ce fait, et qu’il soit possible que Lordat ait été le jouet d’une illusion, « nous avons tant d’attestations d’aphasiques qui pouvaient observer,