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dront les deux prolétaires exclus ? Ils se laisseront mourir de faim, il faut l’espérer. Mais s’ils allaient se faire voleurs ? Ne craignez rien, nous avons des gendarmes. Assassins ? Nous avons le bourreau. Quant au plus heureux des trois, son triomphe n’est que provisoire. Vienne un quatrième travailleur assez robuste pour jeûner de deux jours l’un, la pente du rabais sera descendue jusqu’au bout : nouveau paria, nouvelle recrue pour le bagne, peut-être !

« Dira-t-on que ces tristes résultats sont exagérés ? qu’ils ne sont possibles dans tous les cas, que lorsque l’emploi ne suffit pas aux bras qui veulent être employés ? Je demanderai à mon tour si la concurrence porte par aventure en elle-même de quoi empêcher cette disproportion homicide ? Si telle industrie manque de bras, qui m’assure que, dans cette immense confusion créée par une compétition universelle, telle autre n’en regorgera pas ? Or n’y eût-il, sur trente-quatre millions d’hommes, que vingt individus réduits à voler pour vivre, cela suffit pour la condamnation du principe.

« Mais qui donc serait assez aveugle pour ne point voir que sous l’empire de la concurrence illimitée, la baisse intime des salaires est un fait nécessairement général, et point du tout exceptionnel ? La population a-t-elle des limites qu’il ne lui soit jamais donné de franchir ? Nous est-il loisible de dire à l’industrie abandonnée aux caprices de l’égoïsme individuel, à l’industrie, cette mer si féconde en naufrages : Tu n’iras pas plus loin ? La population s’accroît sans cesse : ordonnez donc à la mère du pauvre de devenir stérile, et blasphémez Dieu qui l’a rendu féconde ; car, si vous ne le faites, la lice sera bientôt trop étroite pour les combattants. Si une machine est inventée, ordonnez qu’on la brise et criez anathème à la science ; car, si vous ne le faites, les mille ouvriers que la machine nouvelle chasse de leurs ateliers iront frapper à la porte de l’atelier voisin et faire baisser le salaire de leurs compagnons. Baisse systématique des salaires, aboutissant à la suppression d’un certain nombre d’ouvriers, voilà l’inévitable effet de la concurrence illimitée. Elle n’est donc qu’un procédé industriel au moyen duquel les prolétaires sont forcés de s’exterminer les uns les autres · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

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« … S’il est un fait incontestable, c’est que l’accroissement de la population est beaucoup plus rapide dans la classe pauvre que dans la classe riche. D’après la Statistique de la civilisation européenne, les naissances, à Paris, ne sont que du 1/32 de la population dans les quartiers les plus aisés ; dans les autres, elles s’élèvent au 1/26. Cette dépopulation est un fait général, et Sismondi, dans son ouvrage sur l’économie politique, l’a très-bien expliquée en l’attribuant à l’im-