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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/271

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LA PHYSIQUE ET LA MORALE



La marche de la science contemporaine a établi des rapports toujours plus étroits, d’une part entre la physique et la physiologie, et d’autre part entre la physiologie et la psychologie. En suivant dans ses conséquences cette direction de la pensée, on arrive facilement à croire que l’ordre spirituel est menacé dans ses bases par l’étude des phénomènes de la matière, et qu’il existe en particulier un conflit entre la physique et la morale. Montrer que les pensées de cet ordre contiennent une erreur grave, tel est le but de l’étude à laquelle je convie le lecteur de ces pages.

Si la science moderne est dans la bonne voie, le son, la lumière, la chaleur ne sont pas diverses propriétés des corps, mais des rapports divers des mouvements de la matière avec les êtres doués de sensibilité. La conséquence directe de cette théorie est la distinction précise des phénomènes physiques et des phénomènes psychiques. Considérer le son, la lumière, la chaleur, comme des propriétés de la matière et des sortes d’entités, c’est réaliser des abstractions. Ce sont là des rapports entre deux termes irréductibles, et ces rapports supposent : la matière en mouvement, la présence d’êtres capables de sentir et de percevoir, l’harmonie, selon des lois fixes, des faits matériels et des faits spirituels. Cela étant, on peut dire que le matérialisme est vaincu, sinon en fait, du moins en droit, par les progrès de la science de la matière ; il est détruit par la distinction nécessairement établie dans tous les traités élémentaires de physique entre la sensation comme phénomène psychique et les phénomènes mécaniques auxquels la sensation correspond. Le mouvement une fois dégagé de ses résultats psychiques, on voit éclater la diversité absolue des faits matériels perçus par les sens et des faits spirituels perçus par la conscience. On ne peut plus, comme on le pouvait jadis, présenter les propriétés physiques des corps comme une transition entre le mécanisme pur et les phénomènes spirituels. Enlevez les êtres sensibles, l’état mécanique demeure seul.