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espinas. — philosophie expérimentale en italie

rales et des lois de la nature. L’homme n’a pas d’autre but que de se conserver, de prospérer et de se perfectionner ; comme il ne peut obtenir ce résultat que dans la société de ses semblables, il a envers eux des obligations : le devoir est l’ensemble des conditions nécessaires sous lesquelles l’homme assure son propre bonheur. On le voit, nous ne sortons pas de l’eudémonisme. L’idéal n’est encore ici que l’image du bonheur et du perfectionnement à venir, qu’il s’agit d’accommoder aux conditions du possible, c’est-à-dire aux lois de la nature et de la raison. La liberté absolue rêvée par certains économistes à principes lui paraît la négation même de la vie en commun, qui suppose toujours un pouvoir modérateur, un frein gouvernemental.

Davis les dernières années de sa vie, Romagnosi eut pour disciples Ferrari et Cattaneo[1]. L’action absorbe celui-ci, qui fut, comme nous l’avons indiqué ailleurs, un médiocre philosophe ; le premier, bien que plus clair et plus systématique que son maître, n’a pas justifié les espérances qu’eût pu faire naître une si favorable initiation aux études sociologiques. Son style violent, son bouillonnement d’idées, sa manière tranchante dissimulent mal ce que son système a de hâtif et de superficiel. La psychologie lui manque. Il reproche à son maître de n’avoir pas fait la part assez large aux causes intérieures du développement des nations. Lui-même aurait eu besoin d’observations plus étendues et plus variées sur les âmes collectives, dont il réduit les mouvements à des oscillations isochrones, aussi simples que celles du pendule. Mais quels que soient les défauts et les mérites de Ferrari, et les défauts (plus grands certes que les mérites) de Cattaneo, tous deux sont de véritables positivistes, parce qu’ils n’admettent que le relatif, parce qu’ils considèrent l’homme et la société comme faisant partie de la nature et devant être étudiés par la même méthode que les objets naturels, parce qu’ils pensent que le développement organique des nations se fait suivant un rhythme nécessaire dont le secret se trouve dans l’idéologie ou psychologie sociale. Bien que morts après Comte, ce n’est pas à son influence qu’ils doivent leurs traits essentiels, en sorte que l’esprit positif apparaît en Italie non comme une importation française, mais comme le produit du sol même, fécondé seulement par des influences étrangères.

Comme Gioia et Romagnosi, l’abbé Testa Alfonso avait puisé au collège Alberoni un goût vif pour la philosophie de la sensation. Mais, à mesure qu’il vieillit, il se rapprocha du criticisme de Kant,

  1. Sur Ferrari, voir une très-intéressante et très-complète étude de M. Carlo Cantoni, Milan, 1878 ; sur Cattaneo, la Revue philosophique, t. iv, p. 102.