Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
24
revue philosophique

qu’il finit par adopter tout à fait. C’était un ecclésiastique modeste et ami de la paix, qui vécut comme précepteur loin de toute agitation politique et ne porta point son attention sur les problèmes sociaux. Tel est aussi le caractère de Galuppi (1770-1846), humble employé au ministère des finances de Naples, qui resta toujours étranger à la vie politique, dangereuse du reste pour un philosophe sous le règne des Bourbons. Il ne connaissait pas les travaux de Gioia et de Romagnosi (tant il y avait peu de rapports entre les différentes parties de l’Italie à cette époque !) quand il publia à 49 ans son Essai philosophique sur la critique de la connaissance (1819-1832), suivi plus tard d’une Philosophie de la volonté (1832-1840). C’est un penseur plus moderne que Gioia et Romagnosi ; sa manière de poser les problèmes se ressent de l’influence kantienne qui commençait à se répandre en Italie. S’il ignore ses compatriotes, il est fort instruit sur l’histoire de la philosophie antérieure en Europe. Il sait qu’il tente en Italie une œuvre analogue à celle que Reid venait d’accomplir en Écosse : « éviter le scepticisme en se frayant une route intermédiaire entre l’école de Locke et celle de Kant, entre le sensualisme et l’idéalisme transcendantal » (Ferri, Histoire de la philosophie italienne, vol. i, p. 43). Mais, bien que prétendant corriger Locke, il procède encore de lui et se rattache à lui par Genovesi, son prédécesseur immédiat. Ainsi le royaume de Naples a eu jusqu’au milieu de ce siècle sa tradition expérimentale, comme le nord de l’Italie avait eu la sienne au commencement ; Genovesi, puis Galuppi y dérivent de Locke, comme Gioia et Romagnosi ont suivi Condillac.

C’est souvent par les philosophes de second ordre plus que par les génies les plus en vue que l’on peut juger des tendances d’une époque. Pendant que Galuppi enseignait avec éclat dans la chaire qu’il avait tardivement occupée à l’université de Naples, vivait dans la même ville un philosophe prudent jusqu’à la timidité, Vincenzo de Grazia, dont nous avons montré ici même, d’après les indications de M. Florentino, les affinités avec A. Comte. Il se renferme le plus souvent dans les études psychologiques ; élu député par la province de Cantazaro, il ne garda pas longtemps son mandat, qui lui fut retiré par un coup de force du gouvernement, et revint à la philosophie. Malgré la circonspection de son caractère, il resta assez fermement attaché à sa doctrine, qui consistait en un sensualisme exact, dégagé des emprunts que Galuppi avait faits au criticisme. Il adressait à Kant le reproche que les philosophes de l’évolution devaient lui faire plus tard, à savoir de ne pas rechercher les origines de la conscience primitive et de s’en tenir à la description de la conscience