Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
dastre. — le problème physiologique de la vie

précieuses pour l’explication du processus de la fièvre et de l’inflammation ; ses expériences sur les fonctions du rein ont éclairé la pathogénie de l’urémie. La thérapeutique elle-même a tiré profit de ses études sur les substances toxiques et médicamenteuses. En considérant le bonheur de ces premières applications d’une science naissante, que n’est-on pas fondé à espérer de cette science développée ? Fermera-t-on les yeux à l’évidence des enseignements que nous apporte chaque jour qui s’écoule ? Les chirurgiens nieront-ils la fécondité des découvertes de M. Pasteur sur la physiologie des ferments ? et cette étude, encore à ses débuts, n’a-t-elle pas déjà déterminé les seuls perfectionnements de quelque importance que la médecine active ait reçus de notre temps ? Trois mille ans de stérilité ne constituent point pour la méthode clinique un titre suffisant pour repousser la suprématie de cette jeune science qui s’annonce si féconde. La thérapeutique a-t-elle véritablement le droit de s’enorgueillir des heureux hasards qui ont révélé à des Pères Jésuites la vertu du quinquina, à des alchimistes celle de l’antimoine et à des ouvriers mineurs celle du mercure ? La médecine expérimentale, loin de rejeter l’observation extérieure du malade, la prend au contraire pour point de départ et ne songe qu’à la compléter et la féconder en l’éclairant. Cl. Bernard n’a jamais prétendu que les médecins dussent renoncer à l’observation clinique : agir ainsi, ce serait supprimer le malade des préoccupations du médecin, et l’on ne sait vraiment dans quel cerveau raisonnable aurait pu germer une idée qui l’est si peu. La physiologie ne mérite pas un tel reproche. Son ambition ne va pas à déposséder la clinique, mais seulement à partager avec elle la direction de la médecine. Ses prétentions ne sont point hâtives : elle sait qu’à l’inverse de la clinique, elle a plus d’avenir que de passé, et cette sécurité lui permet une patiente résignation devant les ironiques défis des adversaires qui lui conseillent de demander à ses lapins les secrets de la pathologie mentale et à ses grenouilles la connaissance de la rougeole et des fièvres exanthématiques. Le sentiment des destinées brillantes de la physiologie de l’avenir a constamment guidé Cl. Bernard dans son enseignement du Collège de France : ce sentiment est comme le lien de toutes ses doctrines, ou comme le centre vers lequel elles viennent toutes converger.

Son ambition ou son rêve fut de tracer la voie qui doit conduire à une pratique médicale certaine. Pour lui, le but de la médecine comme de toute science peut se caractériser en deux mots : prévoir et agir. Voilà en définitive pourquoi le physiologiste s’acharne à la recherche pénible des vérités scientifiques. Le médecin s’est successivement adressé à tous les moyens qui semblaient pouvoir le rap-