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analyses. — The Life and Education of Laura Bridgman.

Elle est née le 21 décembre 1829, à Hanover, New-Hampshire (États-Unis), d’une famille pauvre. À l’âge de deux ans, elle parlait un peu et « connaissait quelques lettres de l’alphabet » : son intelligence et son activité étaient au-dessus de l’ordinaire. Ce fut alors qu’une fièvre scarlatine très-grave la rendit aveugle, sourde et causa une abolition de l’odorat qui, à mesure qu’elle avança en âge, devint complète. C’est dans ce triste état qu’elle passa six ans, à la maison paternelle.

Il serait intéressant de savoir s’il est resté dans sa mémoire quelque trace, si faible qu’elle soit, de ces deux premières années. Je ne trouve dans sa biographie rien qui puisse nous renseigner à ce sujet ni laisser voir si ces deux années ont eu quelque influence sur le reste de sa vie. Je trouve simplement (p. 226) qu’à l’âge de quinze ans elle a rêvé une nuit « qu’elle parlait avec sa bouche » sans pouvoir dire « avec quels mots ». Était-ce une reviviscence de ses premières impressions ? Le journal de Mrs  Lamson se borne à relater le fait, sans chercher plus loin.

Sur les six années qui s’écoulent entre sa maladie et son entrée à l’asile des aveugles, nous sommes mieux renseignés. À l’âge de vingt-six ans, Laura Bridgman fut priée de résumer en quelques pages ses souvenirs sur cette époque (p. 344 et suiv.). Nous avons aussi une lettre du Dr  Mussey, professeur d’anatomie à Darmouth College, qui la vit à l’âge de sept ans. Ces deux documents sont concordants. Elle avait appris à coudre, à tricoter, à mettre le couvert et à faire divers travaux de ménage. D’ailleurs, nulle instruction, nul amusement, nulle distraction chez elle. Seul, un vieil ami de la famille, dont elle ne parle qu’avec tendresse, l’emmenait à la promenade et pour la distraire lui apprenait à recueillir les œufs dans la basse-cour. « Il me commanda de ne pas enlever à la poule son dernier œuf, par un geste que je compris clairement, quoique je n’en connusse pas la raison. »

Tel était l’état intellectuel de cette fille, réduite au toucher seul et au langage des gestes, lorsqu’elle entra à l’institution des aveugles à Boston. Sa première maîtresse, Mrs  Smith, et le Dr  Howe lui apprirent d’abord à lire. Les noms des objets usuels (lit, chaise, porte., etc.) étant imprimés en caractères saillants, on lui fit promener sur ces mots les doigts de la main droite ; en même temps, de la main gauche elle touchait l’objet désigné. Après plusieurs essais, l’interprétation du signe fut faite par son esprit, et l’association entre le signe et les choses fut opérée. Ce premier travail dura deux mois. Ce fut alors qu’on lui apprit l’alphabet des sourds-muets (le langage des doigts), qu’on lui apprit à parler.

L’auteur fait à ce propos une remarque (Appendice, p. 370) qui, très-importante pour la pratique, présente aussi un intérêt psychologique. Je pensai, dit-elle, qu’apprendre d’abord à lire aux aveugles est une mauvaise méthode. Avant tout, on habitue l’enfant à parler. Ne doit-on pas de même apprendre au sourd-muet à épeler le nom des objets à l’aide de ses doigts, avant de lui apprendre à lire ? N’y aurait-il pas