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blable, ajoute M. Lessewitch, conduit souvent dans un sens opposé à la vérité ; elle dépend presque toujours de la disposition individuelle de l’esprit et laisse le champ libre à l’imagination. — Le savoir véritable au contraire mène à une définition de la causalité, telle que l’a développée Stuart Mill dans son Système de logique. Ici il n’est plus question d’une seule cause, mais de plusieurs causes. Ces dernières, par rapport aux phénomènes, sont considérées de la même manière que les facteurs par rapport à leur produit, ou comme le tout par rapport aux éléments. La définition de la cause d’un fait donné est donc analogue à la réduction d’un produit arithmétique en ses facteurs. La science, ayant constaté un rapport stable dans la suite des phénomènes, a défini leur relation réciproque comme rapport de causes aux effets et a rejeté une fois pour toutes la causalité au sens d’une force cachée dans les phénomènes.

L’auteur nous explique encore en d’autres termes la différence entre la conception et le savoir relativement au principe de causalité. — La causalité, dit-il, comprend deux moments distincts : la cause et l’action. Le second de ces facteurs, nous le connaissons, nous en avons une représentation nette et immédiate. Le premier nous étant inconnu, nous avons recours pour nous le figurer à une hypothèse au moyen de laquelle nous parvenons à l’idée du phénomène qui a été l’objet de notre conception. Si cette idée se laisse réduire ensuite à des représentations dont les objets peuvent être indiqués, et si leur rapport avec le phénomène qui a besoin d’être éclairci peut être constaté a posteriori, alors notre conception acquiert un caractère scientifique et devient savoir. Si l’hypothèse ne peut être au contraire vérifiée a posteriori, elle est alors une hypothèse métaphysique, et la conception dont elle a déterminé le caractère est une conception de la raison « vulgaire », c’est-à-dire la réduction du connu à l’inconnu.

L’auteur continue dans ce sens à nous marquer la différence entre la conception et le savoir : l’une construisant les idées au moyen du raisonnement a priori, la seconde à l’aide d’un entendement a posteriori. Il reconnaît cependant qu’il existe un savoir a priori, ou plutôt un savoir anticipant sur les faits (savoir pour prévoir d’Auguste Comte), mais il le considère comme purement théorique et douteux, tant qu’il n’a été vérifié par une expérience immédiate, Ainsi la différence est fondamentale, même entre le savoir à son état d’hypothèse et la connaissance d’un fait acquise au moyen de la réflexion « vulgaire ». L’hypothèse scientifique peut être constatée a posteriori ; elle ne dépasse jamais la limite de l’expérience possible et ne transporte pas le fait hypothétique dans une sphère transcendante. — Il en est bien autrement, observe-t-il, des conjectures vulgaires. Sa pensée se laisse résumer à peu près de la manière suivante : scientifique et véritable est le savoir qui nous explique les faits réels par des causes accessibles à une expérience immédiate des sens et pouvant être vérifiées toujours a posteriori. Tout savoir différent est métaphysique, con-