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analyses. — lessewitch. Pisma o nautchnoi filosofii.

À l’état de savoir, au contraire, l’esprit ne se contente plus des causes qui répondent le mieux à sa disposition individuelle, mais il cherche celles qui sont uniquement possibles. Ici, cependant, il ne peut être question que de vérités nécessaires ou de vérités absolues, jamais toutefois de vérités scientifiques opposées à des vérités métaphysiques. Il en est qui, revêtant un caractère de nécessité absolue, pourront devenir un jour vraiment scientifiques, tandis que bien des vérités, appelées scientifiques aujourd’hui, conserveront longtemps encore une valeur purement arbitraire, quand même l’expérience immédiate plaiderait en leur faveur. Tout ce qui se laisse peser ou mesurer ne possède pas encore un caractère scientifique.

Nous nous sommes arrêtés plus longtemps sur ce point, car il nous a paru digne de réflexion ; continuons maintenant notre exposition.

L’auteur décrit dans ses lettres 3 et 4 les diverses phases que l’état intellectuel aurait traversées selon lui. Il en distingue trois : le fétichisme, l’anthropomorphisme et le métaphysicisme, ayant toutes un trait commun : l’animisme ou représentation subjective des phénomènes et de leurs causes à l’image de l’homme.

L’ethnographie et l’histoire de la philosophie fournissent à l’auteur les matériaux nécessaires à la caractéristique de ces trois phases. Nous ne saurions nier la justesse de ses remarques, et nous nous empressons de reconnaître, comme mérite incontestable et original de M. Lessewitch, l’application des recherches ethnographiques à la théorie de l’entendement. C’est un champ qui n’a été cultivé par personne et qui produirait certainement des résultats précieux pour cette science. Cette mise en œuvre des vérités ethnographiques est mêlée fort habilement d’observations psychologiques et critiques sur la formation du contenu spirituel de l’homme.

Dans la quatrième lettre, l’auteur indique les spéculations cosmogoniques des peuples comme passage d’un anthropomorphisme exclusif à la métaphysique, et tâche de démontrer que cette dernière est encore une manifestation de la raison « vulgaire ». Il termine cette lettre en nous décrivant au moyen d’exemples tirés de l’histoire des sciences la transformation successive de la conception métaphysique en un savoir scientifique. Il nous fait remarquer que le temps n’est pas éloigné où l’on attribuait la cause de différents groupes de phénomènes à des éléments séparés, et que la réduction de ces éléments annonce le passage définitif à une époque véritablement scientifique. « On considérait récemment encore, dit-il, comme cause spéciale de la chaleur un élément distinct, qu’on avait surnommé calorique. » Ceci procure à l’auteur l’occasion de frapper rudement deux positivistes russes, ses adversaires personnels. Il paraît que le calorique a suggéré à l’un d’eux, M. de Roberty, l’idée d’une comparaison avec la misère, et la définition de la misère comme « calorique latent du monde économique ». « Il faut s’attendre d’un moment à l’autre, écrit l’auteur, que M. de La Serda (autre positiviste russe) proclamera à son tour l’ignorance et