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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

institution récente, et, longtemps après qu’elle se fut introduite, elle est demeurée restreinte en faveur des personnes désignées sous le nom d’héritiers naturels. Lorsqu’il n’est pas permis de tester, la propriété individuelle ne constitue qu’un intérêt viager. En fait, comme sir Henry Maine l’a si bien montré dans un ouvrage très-instructif, l’Ancienne Loi, l’idée primitive de la propriété était qu’elle appartenait à la famille, non à l’individu. Le chef de famille en avait la gérance ; il exerçait réellement les droits de propriétaire. Sur ce point, comme sur d’autres, il gouvernait la famille avec une autorité à peu près despotique. Mais il n’était point libre d’exercer son pouvoir de manière à dépouiller les copropriétaires des autres portions ; il ne pouvait disposer de la propriété de manière à les priver de la jouissance collective ni de la" succession. En vertu des lois et des coutumes de certaines nations, la propriété ne pouvait être aliénée sans le consentement des enfants mâles Ailleurs, l’enfant pouvait au nom de la loi demander un partage de la propriété et se faire délivrer sa part, comme on le voit dans le récit de l’enfant prodigue. Si l’association se continuait après la mort du chef, un autre membre de la famille, non pas toujours le fils, mais souvent le membre le plus âgé, le plus fort, ou l’élu du reste, succédait à la gérance et aux droits du gérant, tous les autres membres conservant leurs droits comme auparavant. Si, d’autre part, l’association se dissolvait pour former plusieurs familles, chacune emportait avec elle une part de la propriété. Je dis propriété, non héritage, parce qu’il y avait pure continuation de droits existants, non création de droits nouveaux ; la part du gérant seule échéait à l’association.

Ajoutons que, pour ce qui concerne les droits de propriété sur les immeubles (la principale espèce de propriété à une époque de barbarie), ces droits différaient beaucoup par l’étendue et la durée. Sous la loi juive, la propriété d’immeubles était une concession temporaire. Au retour de l’année sabbatique, elle rentrait dans le fond commun pour être de nouveau partagée ; mais il nous est bien permis de croire que dans les temps historiques de la nation hébraïque on réussissait souvent à éluder cette règle. Dans beaucoup de pays de l’Asie, avant l’introduction des idées européennes, il n’y avait rien à quoi l’on pût appliquer rigoureusement l’expression de propriété foncière, telle que nous la comprenons. La propriété était fractionnée en parties distinctes, dont les droits se trouvaient déterminés plutôt par la coutume que par la loi. Le gouvernement était en partie propriétaire, puisqu’il avait le droit de tirer du fonds une lourde rente. D’anciennes idées et d’anciennes lois limitaient la part du gouvernement à quelque partie déterminée du produit brut ; mais, dans la