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pour procurer la délivrance. Mais comment est-ce possible, dira-t-on, que la science et le sacrifice, dont les effets sont différents, puisque celle-là produit la délivrance et celui-ci l’obtention de mondes meilleurs et par conséquent la continuation de la transmigration, aient, quand on les réunit, un effet identique[1] ? Çankara répond au nom des Védântins qu’il en est du sacrifice qui, lorsqu’il est joint à la science, a la délivrance pour fruit, comme du lait caillé et du poison dont l’un fait vieillir et l’autre fait mourir, tandis que mêlé au sucre le lait caillé produit d’heureux effets, et qu’accompagné de certaines incantations le poison fait prospérer le corps. Objectera-t-on de nouveau que la délivrance est instantanée et, par conséquent, qu’elle ne saurait être une conséquence de l’œuvre ou du sacrifice dont les effets sont à plus ou moins longue échéance[2] ? Il convient de répondre que l’auxiliaire que le sacrifice lui prête n’est pas direct[3]. Le sacrifice bien fait ou l’œuvre bonne (satkarma) favorise la science et devient ainsi indirectement une cause de délivrance[4]. Aussi cette unité d’effet de la science et du sacrifice, d’où résulte la délivrance, doit-elle s’entendre avec cette restriction qu’une fois la science obtenue le sacrifice cesse d’avoir lieu[5]. C’est seulement quand la science est encore qualifiée (saguna) ou incomplète que le sacrifice est pratiqué et qu’étant sans but propre il unit ses effets à ceux de la science[6].

Mais on peut encore se demander si le sacrifice (agnihotra) n’unit ses effets à ceux de la science qualifiée que quand il s’effectue avec elle, ou si cette union a lieu, même quand le sacrifice s’accomplit d’une manière indépendante. Le Sûtra iv, 1, 18, répond à ce doute en établissant d’après les textes que le sacrifice perpétuel appelé agnihotra, accompli ici-bas ou dans une autre existence avant l’avènement de la science, favorise l’union avec Brahma, en ce sens qu’il est la cause de l’éloignement du péché qui en est l’obstacle et qu’il confond ses effets avec ceux de la science, soit qu’il s’accomplisse comme auxiliaire de la science, soit qu’on l’effectue indépendamment d’elle.

Le dernier Sûtra de ce chapitre (iv, 1, 19) constate qu’une fois que les effets de l’œuvre en voie d’exécution ont épuisé leur énergie,

  1. Nanu jñanakarmanor vilakskanakâryatvât kâryaikatvânupapattih.
  2. Nanv anârabhyo mokshah katham asya karmakâryatvam.
  3. Naisha doshah ârâd upakârakatvât karmanah.
  4. Jnânasyaiva hi prâpakam satkarma pranadyâ mokshakâranam.
  5. Ata eva câtikrântavishayam etat kâryaikatvâbhidhânam.
  6. Na hi brahmavida âyâmyagnihotrâdi sambhavati, aniyojyabrahmâtmatvapratipatteh çâstrasyâvishayatvât… tasyâpi (karmanah) nirabhisamdhinah kâryântarâbhâvât vedavidyâsamgatyupapattih.