Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/447

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
441
analyses. — liard. La science positive et la métaphysique.

perfection relative ; elles ont donc en elles-mêmes la raison de leur existence. Mais ce qui vaut en elles, c’est le bien qu’elles réalisent à des degrés divers. Et si, en nous, des idées relativement parfaites se réalisent en vertu de leur perfection relative, pourquoi la perfection totale dont elles dérivent n’existerait-elle pas ? Un tel absolu n’aurait rien de contradictoire ; en lui ne sont comprises ni la matière ni les formes de la connaissance objective. Ainsi on pourrait considérer comme l’absolu l’idéal de la perfection morale. L’idéal ne s’oppose pas au réel ; car, en somme, notre propre réalité est une réalité idéale, ridée, c’est nous-mêmes. Nier la réalité de l’idéal, ce serait nier notre propre réalité.

Il y aurait donc ainsi un ordre de raisons invisibles à la science et que seule l’intuition morale nous permet d’entrevoir. Chaque être serait la réalisation d’une idée, et, si chacun des éléments qui composent les êtres a ses conditions dans les rapports complexes et multiples qui l’unissent aux autres, l’ensemble qu’ils forment a pour raison la perfection de l’idée qu’il réalise. La science n’atteint pas les régions intimes de l’existence. L’esprit peut donc asseoir les existences sur des bases semblables à celles qui sont en lui, si l’on peut parler ainsi, la réalité la plus réelle. Il y aurait donc une sorte de moralité dans l’ordre externe des choses, comme il en est une dans l’ordre interne de nos actes ; les choses existeraient ainsi en vertu de leur rapport plus ou moins éloigné à la perfection suprême. Ainsi seraient résolus beaucoup de problèmes qui nous tiennent au cœur et qu’on voudrait en vain supprimer.

La science et la métaphysique n’ont ni le même objet, ni le même but, ni le même rôle. La métaphysique morale n’a pas et ne saurait avoir de fonction scientifique. Le véritable problème de la métaphysique, c’est de nous faire connaître la raison dernière des existences. Ce problème a un grand intérêt moral. C’est une vérité morale qu’il faut inscrire au début de la métaphysique qui fera pour et par la conscience ce que la science fait chaque jour pour et par les sens.

La métaphysique ainsi entendue a un grand rôle. Issue de la moralité, elle en devient la sauvegarde ; son action salutaire s’étend à la société entière. Il faut aux peuples comme aux individus un idéal, et l’idéal moral est inépuisable. Ainsi la métaphysique ne renonce pas à l’empire universel ; déchue de la magistrature intellectuelle qu’elle s’était arrogée, elle continuera, tant que durera la conscience, d’exercer la magistrature morale.

Tel est en résumé l’ouvrage de M. Liard : la courte analyse que je viens d’en faire ne permet guère d’en apprécier les qualités éminentes, la largeur des idées, la finesse des analyses, la profondeur de la dialectique, la bonne foi avec laquelle sont exposées les théories que combat M. Liard. Toutefois, je l’avoue, je n’ai pas été entièrement convaincu, et plusieurs des conclusions émises par M. Liard, soit dans sa critique de l’empirisme, soit dans l’exposé et la défense du système qu’il