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d’intervenir pour rompre l’équilibre ou triompher de la coalition des motifs ? Cependant les déterministes n’ont pas tort quand ils soutiennent que toutes nos actions raisonnables ont des raisons. La crise décisive de la vie morale, c’est la métamorphose du mécanisme primitif en finalité ; l’élément conscient qui, dans l’action instinctive, est intercalé dans une série mécanique d’antécédents et de conséquents, où il est à la fois mobile et moteur, est isolé par la réflexion et devient, de cause mécanique, un motif, une cause finale. Par la réflexion, nous passons de la nécessité à la contingence ; ce qui achève de nous affranchir, c’est que l’homme peut varier ses desseins. Le champ des fins qu’il peut se proposer est immense. Dans l’action réfléchie, nous concevons l’acte et son contraire, puis nous pesons la valeur de ces deux possibles. Nous pouvons enrayer la réalisation d’une idée ou la laisser s’accomplir.

La raison de l’attrait possédé par l’idée que la réflexion pose à l’état de fin est dans sa bonté intrinsèque. C’est à la conception du bien que nous rapportons nos actions, c’est elle qui favorise ou condamne les possibles idéaux. Tous les biens nous commandent, mais il en est dont l’autorité vient de l’attrait sensible, d’autres qui sans cet attrait commanderaient toujours. Le bien moral est sa propre fin à lui-même ; les concepts moraux s’imposent à nous : ils ont une valeur absolue, et la raison de leur existence, leur droit à être réalisé, est dans leur perfection. Substituer l’idéal moral à l’idéal sensible, là est le faîte de la liberté. Noire privilège, c’est de déterminer la perfection relative des fins que nous nous proposons. De là notre liberté, de là aussi notre responsabilité.

L’analyse du sujet nous révèle donc la liberté et la notion de perfection.

Tous les absolus présentés dans les divers systèmes de métaphysique contiennent des éléments empruntés au sujet et des éléments empruntés à l’objet. Ces derniers éléments élevés à l’absolu sont contradictoires ; aussi, au point de vue scientifique, tous les systèmes métaphysiques sont à rejeter. Si on lie d’une manière inséparable l’élément subjectif aux éléments objectifs avec lesquels il est aggloméré, il en subit le sort ; la contradiction qu’on y attache ainsi cause sa ruine.

L’élément subjectif impliqué dans l’absolu du matérialisme est la notion de l’activité indéterminée ; la finalité et la liberté y sont irréductibles. Dans le panthéisme, on trouve pour élément subjectif la notion d’une finalité aveugle et inconsciente. Les difficultés analogues se manifestent. Le spiritualisme au contraire emprunte à la liberté morale les notions dont il construit son absolu. Le supérieur n’est plus nié au profit de l’inférieur ; il explique les degrés plus bas de l’existence. Si la liberté et la moralité sont la raison de tout le reste, l’excellence au moins relative du spiritualisme ne saurait être contestée.

Mais n’est-ce pas là une vaine suprématie ? Toute métaphysique n’est-elle pas impuissante ? Les idées se réalisent en nous en vertu de leur