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LA
LOGIQUE DE LA SCIENCE



DEUXIÈME PARTIE[1]

Comment rendre nos idées claires


I

Pour peu qu’on ait ouvert un traité moderne sur la logique telle qu’on l’enseigne d’ordinaire, on se rappellera sans doute qu’on y divise les conceptions en claires et en obscures, en distinctes et en confuses. Ces divisions se rencontrent dans les livres depuis près de deux siècles, sans progrès et sans changement, et les logiciens les mettent généralement au nombre des perles de la science.

On définit idée claire une idée saisie de telle sorte qu’elle sera reconnue partout où on la rencontrera, de sorte que nulle ne sera prise pour elle. À défaut de cette clarté, l’idée est dite obscure.

Voici là un assez joli morceau de terminologie philosophique. Pourtant, puisque c’était la clarté que définissaient les logiciens, on souhaiterait qu’ils eussent fait leur définition un peu plus claire. Ne jamais manquer de reconnaître une idée sous quelque forme qu’elle se dérobe et dans aucune circonstance, n’en prendre aucune autre pour elle, impliquerait à coup sûr une puissance et une clarté d’esprit si prodigieuses, qu’elles ne se rencontrent que rarement. D’autre part, le simple fait de connaître une idée assez pour s’être familiarisé avec elle, au point de ne pas hésiter à la reconnaître dans les circonstances ordinaires, semble mériter à peine d’être nommé une claire compréhension. Ce n’est après tout qu’un sentiment subjectif de possession qui peut être entièrement erroné. Toutefois, je tiens qu’en parlant de clarté les logiciens n’entendent rien de plus qu’une familiarité de ce genre avec une idée, puisqu’ils n’accordent pas une

  1. Voir le numéro précédent de la Revue philosophique, décembre 1878.