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bien grande valeur à cette qualité prise en elle-même, car elle doit être complétée par une autre, celle d’être distincte.

Une idée est dite distincte quand elle ne comprend rien qui ne soit clair : ce sont là des termes techniques. La compréhension d’une idée dépend pour les logiciens de ce que contient sa définition. Ainsi, suivant eux, une idée est comprise distinctement lorsqu’on peut en donner une définition précise en termes abstraits. Les logiciens de profession en restent là, et je n’aurais point fatigué le lecteur de ce qu’ils ont à dire, si ce n’était un exemple frappant de la façon dont ils ont sommeillé dans des siècles d’activité intellectuelle, insoucieux des ressources de la pensée moderne, et ne songeant jamais à en appliquer les enseignements à l’avancement de la logique. Il est aisé de montrer que cette doctrine, suivant laquelle la compréhension parfaite consiste dans l’usage familier d’une idée et dans sa distinction abstraite, a sa place marquée parmi les philosophies depuis longtemps éteintes. Il faut maintenant formuler la méthode qui fait atteindre une clarté de pensée plus parfaite, telle qu’on la voit et qu’on l’admire chez les penseurs de notre temps.

Lorsque Descartes entreprit de reconstruire la philosophie, son premier acte fut de commencer en théorie par le scepticisme et d’écarter la tradition scolastique, qui était de considérer l’autorité comme base première de la vérité. Cela fait, il chercha une source plus naturelle de principes vrais et déclara la trouver dans l’esprit humain. Il passa pour ainsi dire de la méthode d’autorité à la méthode à priori, telle qu’elle est décrite dans notre première partie. La perception intérieure devait nous fournir les vérités fondamentales et décider ce qui agréait à la raison. Mais, comme évidemment toutes les idées ne sont pas vraies, il fut conduit à remarquer comme premier caractère de certitude qu’elles devaient être claires. Il n’a jamais songé à distinguer une idée qui paraît claire d’une idée qui est réellement telle. S’en rapportant, comme il le faisait, à l’observation intérieure, même pour connaître les objets extérieurs, pourquoi aurait-il mis en doute le témoignage de sa conscience sur ce qui se passait dans son esprit lui-même ? Mais alors il faut supposer que, voyant des hommes qui lui semblaient avoir l’esprit parfaitement clair et positif appuyer sur des principes fondamentaux des opinions opposées, il fut amené à faire un pas de plus et à dire que la clarté des idées ne suffisait pas, mais qu’elles devaient encore être distinctes, c’est-à-dire ne contenir rien qui ne fût clair. Par ces mots, il entendait sans doute, car il ne s’est pas expliqué avec précision, qu’elles doivent être soumises à l’épreuve de la critique dialectique, qu’elles doivent non-seulement sembler claires au premier abord, mais que la dis-