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André Lefèvre. — La Philosophie. Paris (Reinwald et Cie, Bibliothèque des sciences contemporaines).

Le livre de M. Lefèvre est, sous une forme brillante, la synthèse, faite au point de vue matérialiste, des données de la science contemporaine. Si l’érudition n’y est pas de première main, elle est généralement exacte, et, sous ce rapport, on n’est pas en droit d’attendre davantage d’une œuvre qui s’adresse, non à un public spécial et restreint, mais au grand public, qu’il ne faut pas dédaigner. De plus, la Philosophie de M. Lefèvre, par sa clarté, au moins apparente, par son style vif, coloré, tout plein de saillies, de belle humeur et d’images, est faite pour surprendre agréablement tous ceux, et le nombre en est considérable, aux yeux desquels le nom de philosophie désigne des idées de l’autre monde, exprimées dans une langue qui n’est pas toujours de celui-ci. Quant aux lecteurs métaphysiciens, nous ne leur promettrons pas la même satisfaction. C’est à leurs frais que la fêle se donne ou du moins aux frais de leur culte. M. Lefèvre est matérialiste, nous l’avons dit : il l’est sans réserves, et avec bonheur. Les idées supra-sensibles, « l’abstrus, l’abscons », comme il dit, sont pour lui le thème d’intarissables railleries. À la bonne heure ! mais voici peut-être, toute réserve faite sur le fond de la question, l’inconvénient de cette manière de voir, lorsqu’on se propose — c’est le cas de M. Lefèvre — de consacrer la plus grande partie de son œuvre à l’histoire des systèmes philosophiques : presque tous étant, à des degrés divers, imbus de métaphysique, n’apparaissent plus, du point de vue matérialiste, que comme des formes différentes de cette étrange maladie cérébrale que l’humanité aurait contractée dès l’enfance, qui depuis ne l’aurait plus lâchée, et qui aurait d’ailleurs sévi de préférence sur les cerveaux réputés les plus forts. Or, ainsi entendue, l’histoire de la philosophie peut présenter sans doute un intérêt pathologique ; mais, si on laisse de côté la pathologie et ses indications précises, que peut-on faire, sinon de nous dérouler une succession d’extravagances dont on est condamné, puisqu’on ne les comprend pas, à ne parler qu’en termes vagues et superficiels ?

Aussi, à la première partie du livre de M. Lefèvre, où il passe en revue les philosophies, préférons-nous de beaucoup, comme étant mieux conçue, la seconde partie, où il expose la philosophie. Nous les résumerons tour à tour, en respectant minutieusement l’ordre même que suit l’auteur et qui, presque partout, est d’une remarquable netteté.

Première partie. — Les philosophies. — Temps primitifs. — M. Lefèvre, s’appuyant sur les découvertes récentes de la linguistique, de l’archéologie préhistorique, de l’anthropologie, et mettant à contribution notamment les travaux de Lubbock et de Tylor, essaye de reconstituer les origines de la pensée humaine. De l’époque tertiaire pliocène paraissent dater les premiers vestiges de l’homme. Il ne dif-