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analyses. — andré lefèvre. La Philosophie.

primate et bipède ? Comment ne pas voir dans cette évolution embryonnaire un raccourci fidèle de la série organique tout entière ?

Parmi les phénomènes de la vie, il n’en est pas de plus intéressant pour la philosophie que les faits intellectuels et moraux : ils se développent au fur et à mesure que la motilité croît en complexité et en indépendance. L’intelligence est proportionnelle à la concentration de l’appareil organique : telle est la loi. D’autre part, l’intelligence est l’épanouissement de la sensibilité : du plaisir et de la douleur, étendus, généralisés par le fait de la société, naît la vie morale. On voit par là ce qu’il faut penser de la conception du règne humain inauguré par M. de Quatrefages. L’échelle des êtres est une : elle ne comporte que des différences de degré.

L’homme, il est vrai, en est l’échelon suprême, et, à ce titre, mérite de nous occuper particulièrement. Il procède d’un mammifère velu, grimpeur, etc., dont il reste peu de traces avant les temps quaternaires. En revanche, l’homme des temps quaternaires nous est connu. C’était un animal rudement charpenté, au mufle proéminent, maniant des haches volumineuses, sans cesse en lutte avec les grands carnassiers, et chez qui l’humanité ne se révélait que par un certain goût pour la parure.

Plus tard, il y a déjà un progrès sensible ; la nourriture n’est plus l’unique mobile des actions. Mais, à mesure qu’il a plus de loisir, l’homme rêve. Il imagine une seconde vie. Il fabrique des amulettes. La métaphysique et la religion commencent. Sautons les degrés intermédiaires pour venir enfin à l’époque moderne. Ici, les races se mêlent, et l’ethnologie est forcée de recourir à des moyennes qu’il est difficile de supputer. Néanmoins, voici quelques faits généraux incontestés qui peuvent lui servir de point de départ : 1° quand le poids du cerveau tombe au-dessous de 900 grammes, les facultés intellectuelles sont abolies ; 2° la capacité crânienne grandit avec le mouvement intellectuel général ; 3° dans les races sauvages, le nombre et la complication des circonvolutions cérébrales sont moindres que dans les races intelligentes et policées. Ces trois lois prouvent l’identité de l’activité cérébrale et de l’intelligence. — Mais les notions morales et le sentiment religieux ne sont-ils donc pas des attributs caractéristiques de l’espèce humaine ? Nullement, quoi qu’en dise M. de Quatrefages. Le point de départ de l’humanité est ce brutal égoïsme où croupissent encore la plupart des peuplades infimes. Et quant au sentiment religieux, outre que son universalité est contestable et, en tout cas, ne prouverait rien, ne pourrait servir de caractère spécifique (car l’universalité de la crainte chez les animaux prouve-t-elle l’unité d’une espèce animale ?), la vraie marque des races supérieures, c’est l’élimination de cette survivance, comme dit Tylor de ce fait d’atavisme qu’on appelle le sentiment religieux.

Le mécanisme intellectuel dans l’Individu. — La sensibilité. — La sensibilité ou conscience est la somme des mouvements cellulaires qui,