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lorsqu’ils sont assez nombreux ou intenses pour atteindre les régions médianes et antérieures du cerveau, y déterminent, au bout d’un temps que l’on arrive à mesurer, des ébranlements plus ou moins durables qu’on nomme sensations.

Le fait même de la sensation implique tout d’abord l’existence simultanée d’un individu sentant et d’un milieu senti, de l’homme et de l’univers. — Il y a deux ordres de sensations : grâce à l’indépendance relative de la chaîne nerveuse qui recueille et charrie les sensations organiques, le cerveau ne les confond jamais avec les sensations externes. Ainsi se dégage et s’affermit le sentiment du moi. M. Lefèvre étudie surtout, en raison de leur portée scientifique, les sensations externes, mouvements moléculaires transmis par l’axe des nerfs sensitifs aux centres nerveux réunis dans l’encéphale. Il affirme que le nerf conducteur ne peut produire spontanément la sensation et redresse sur ce point M. Taine. Il voit dans le toucher la source de toute certitude objective et subjective à la fois.

La conscience, la sensibilité, ne commence que dans la protubérance annulaire où s’engagent les faisceaux du bulbe. Quant aux opérations intellectuelles, elles ont pour organes les lobes cérébraux. Comment s’opère le passage de la sensibilité à l’entendement ? On peut se figurer ces transitions comme des ébranlements infinitésimaux, comme des réductions quasi-photographiques, rangées à leur place dans le trésor des cellules. La réunion de ces images cérébrales dans une région restreinte où toutes les cellules sont en communication permanente non-seulement entre elles, mais avec tout le réseau nerveux, tous les tissus musculaires ou viscéraux, et, par la sensation, avec le monde extérieur, achève de distinguer, de déterminer la personne, ce que nous appelons le moi.

L’entendement, la volonté. — Sur ces deux chapitres, où est exposée une psychologie sensualiste bien connue, nous serons très-bref. Comment de la sensation, à ses divers degrés de développement, résultent l’abstraction, la généralisation (le général n’a d’existence que dans l’image apportée au cerveau), l’attention, le jugement et le raisonnement, c’est ce que M. Lefèvre explique par des comparaisons plus agréables peut-être que solides. Notons cependant ce qu’il dit du langage articulé, qui, avec l’invention du feu, a valu à l’homme l’empire de la terre. Chez les animaux, la consonne n’est pas distincte, et chaque espèce n’en a qu’une. Mais, chez l’homme, l’effort de l’appareil vocal, sollicité par le cerveau, pour imiter les bruits, pour désigner les choses et leurs images, a lentement nuancé les voyelles, les sifflements, les roulements. La consonne s’est enfin dégagée nettement, et la parole a succédé au cri. — Le langage, du reste, a ses illusions. Il nous porte à personnifier les idées générales et à leur attribuer une existence indépendante, comme si les termes généraux ne supposaient pas toute une série de conditions organiques : cette simple remarque coupe court à toute métaphysique. La volonté, il est presque superflu de le