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analyses. — andré lefèvre. La Philosophie.

dire, a, pour M. Lefèvre, sa cause dans le besoin, mais dans le besoin conscient, réfléchi. Point de liberté dans le sens métaphysique. Tous les faits qui constituent la délibération sont strictement liés. La liberté n’est rien d’autre que l’exercice non entravé des fonctions de l’organisme. C’est la carrière même de l’action. Or l’action est l’accomplissement du besoin, et il faut à la somme des besoins, naturels ou acquis, vrais ou factices, une somme égale de liberté.

Les intérêts et les passions. — Il y a deux groupes d’intérêts et de passions : 1° Intérêts et passions physiques. Leur rôle est capital : le cerveau ne commande pas dans le silence des viscères ; tout ce qui s’accorde avec les intérêts et les passions de cet ordre, tout ce qui procure le plaisir est bon, est le bien ; tout ce qui les contrarie est le mal. 2° Intérêts et passions intellectuels, dont l’objet propre est le vrai : le vrai est ce qui satisfait l’entendement ; le faux, ce qui trouble les fonctions de l’encéphale. Entre ces deux groupes se place l’art, domaine légitime de cet anthropomorphisme, si funeste à la connaissance, et qui a pour objet le beau, le plus relatif de nos concepts. C’est une grave erreur d’identifier le beau avec le vrai ou avec le bien.

Voyons maintenant ce que la société ajoute à l’individu. — L’instinct génésique, qui associe momentanément les individus les plus solitaires, inaugure la série des actes moraux. Pas d’exception pour l’homme. La promiscuité a été son point de départ. Dans cet état de choses, il était naturel que la femme fût le centre de la famille. De là le matriarcat, qui semble avoir régné dans la Chaldée et dans l’Europe orientale. Mais, pour plusieurs raisons évidentes, la paternité devait prendre le pas sur la maternité. Aujourd’hui, le principe de la parenté paternelle (loi de l’agnation) et celui de la parenté utérine régissent de concert la matière des successions. — La famille a toujours eu pour centre et pour pivot l’enfant. Mais sa faiblesse a longtemps dissimulé son droit, fondement unique et limite de l’autorité paternelle. — Des sentiments de famille développés, élargis par les alliances, est né cet altruisme, dont l’hérédité fait ensuite à l’homme une seconde nature. Le concept de la solidarité n’est donc pas issu directement, d’un instinct primitif. Signalons enfin dans la famille la place qu’occupe la femme, que la monogamie a élevée au rang de moitié de l’homme. Tout en lui refusant (son sexe s’y oppose) le rôle politique, qui nous est dévolu, l’auteur déclare que « le progrès de la civilisation est proportionnel à la place que les mœurs et les lois ont reconnue à la femme dans la société ».

De la morale affective, qui préside à la famille, passons à la morale rationnelle, qui préside à la société. Celle-ci, dépouillant ses concepts de leurs éléments sensitifs, n’opère plus que sur des rapports abstraits de quantité considérés en eux-mêmes. C’est de là, suivant M. Lefèvre, qui nous devrait bien ici un supplément d’informations, qu’elle extrait la loi de toutes les actions, e juste. La fonction de la morale rationnelle est la distribution du travail. Il lui appartient de faire à chaque intérêt naturel et acquis sa part légitime et compatible avec le bonheur général.