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anéantis et se présentent à l’âme dans leur connexion originelle. Ainsi les termes composants semblables de la série forment dans la conscience un état complexe particulier, une masse agglutinée qui entrera en mouvement toutes les fois que l’une ou l’autre de ses parties sera ébranlée par quelque perception ou quelque réminiscence.

La masse entière des éléments perçus est remuée par un quelconque de ses fragments, ou , peu importe. Pourtant le rayon de la conscience, à cause de l’étroitesse de celle-ci, n’éclaire en plein que l’élément . Les autres éléments sont refoulés en arrière. Qu’en résulte-t-il ? C’est que leur activité comprimée se reporte, l’expérience le prouve, sur la représentation dominante de la conscience, et la fortifie. Plus il y aura de termes dans la somme de gauche, plus la clarté de A sera grande : . Mais alors cette formule même nous découvre, outre l’adhérence constante des parties intégrantes d’une perception totale, l’état de conflit qui se produit entre deux groupes dont l’un, présent à la conscience, tient l’autre en dehors.

La seconde partie nous présente sous des formules appropriées les phénomènes psychiques concrets, les lois du développement et de la transformation de nos aperceptions, les lois de limitation réciproque de nos représentations mentales, de la généralisation des concepts. La troisième partie est consacrée au double processus de la pensée et du langage à partir des formes d’expression les plus primitives et involontaires jusqu’aux formes accompagnées de réflexion. — L’une et l’autre se refusent à l’analyse.

Au total, ce nouvel essai de mécanique mentale, même avec ses formules simplifiées, ne nous paraît pas appelé à plus d’avenir que la tentative de Herbart. Les phénomènes psychiques ne se laissent pas, comme tels, mesurer sous les rapports de masse, de vitesse ou d’intensité ; on peut bien les exprimer par des formules algébriques ingénieuses, mais à la condition de les contrôler toutes et chacune par l’expérience. Il n’y a entre elles aucun lien saisissable a priori ; par suite, aucune déduction n’est applicable aux faits d’observation sans vérification préalable. Le seul avantage de la méthode essayée serait de simplifier, d’abréger les explications et les démonstrations propres à la psychologie ; mais la simplification ne sobtient ici qu’aux dépens de la clarté. Steinthal semble lui-même l’avoir compris, lui qui, dans la dernière édition de son livre sur l’Origine du langage (1877), a supprimé ces formules et cette algèbre psychologiques pour parler la langue de tout le monde.

A. Debon.