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deux côtés, il avait entendu flétrir les doctrines au nom de leurs conséquences morales : et il avait été naturellement choqué de voir les intérêts sacrés de la conscience si étroitement associés à la fortune variable des dogmes ou des systèmes.

Enfin Schultz, obtenant de lui par son caractère et ses vertus l’autorité qu’il se sentait obligé de refuser à sa doctrine, lui suggérait plus éloquemment que tout le reste le besoin de mettre la vérité morale à l’abri des aventures de la recherche spéculative. Ce sentiment se trahit dans tous les écrits de Kant, depuis le premier jusqu’au dernier. Nous avons eu l’occasion ailleurs d’en signaler les traces dès l’Essai sur l’histoire du ciel, dans l’écrit où l’imagination encore jeune de Kant se donne le plus librement carrière. Il nous paraît bien que cette précoce et constante disposition s’est développée, chez Kant, sous l’effet des leçons et des exemples que, pendant près de 40 ans, il a dus à son commerce, plus ou moins étroit, avec Schultz.

II.

MARTIN KNUTZEN.

L’action de Schultz contribua certainement à décider les préférences de Kant entre les divers professeurs qui se partageaient l’enseignement de l’Université : ses indications durent guider les premiers choix de l’écolier. Entre les wolfiens, ce ne sont pas les plus renommés, comme l’orthodoxe Marquardt, mais les plus dévoués au piétisme, des professeurs même assez médiocres, comme Kypke, Christiani et le physicien Teske, que Kant se plaît à entendre.

Parmi les amis ou disciples de Schultz, il y en avait un toutefois que sa jeunesse et sa réputation naissante désignaient plus particulièrement à l’attention de Kant : je veux parler de Martin Knutzen. Né en 1713, Knutzen n’avait guère que dix ans de plus que son futur élève. Après avoir étudié la théologie sous Schultz, qui l’avait entièrement conquis au piétisme, il avait mérité par son talent précoce l’honneur d’avoir son illustre maître pour répondant de sa thèse de docteur. De concordia rationis cum fide, en 1732. La protection de Schultz le faisait nommer, peu après, professeur extraordinaire de logique et de métaphysique : il n’était âgé que de 21 ans. 11 avait dans l’intervalle soutenu pro receptione une dissertation métaphysique De æternitate mundi impossibili (1733), où l’influence de Schultz se trahit à chaque pas. Sa thèse pro loco, « De commercio mentis et corporis per influxum physicum explicando » (1735), accueillie seulement après de longues hésitations de la Faculté, avait été défendue avec un éclat extraordinaire et au