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nolen.les maîtres de kant

subordonner la science à l’action et de placer dans la volonté morale le principe même de toute certitude ? Le piétisme sacrifiait également les dogmes aux œuvres et faisait dépendre de la pureté du cœur l’interprétation de la vérité révélée, a Deux choses, dira Kant, me remplissent d’admiration : la voûte étoilée sur ma tête, la loi morale dans mon cœur. » C’est à Schultz qu’il doit, non moins qu’aux touchants enseignements et aux exemples de ses parents, d’avoir été pénétré, dès ses premières années, par le culte de la beauté morale, par cette religion du devoir, dont il devait faire dans la suite l’unique fondement de toute foi religieuse.

Et la conscience, dont il proclamera si éloquemment et défendra si vigoureusement les droits, ne la retrouvons-nous pas en lui jusqu’à la fin, telle que l’avaient faite et le piétisme et Schultz : scrupuleuse jusqu’à l’excès, et toujours inquiète sur la pureté des intentions, mais en même temps ennemie des chimères du mysticisme et des entraînements de la sensibilité ? Si le premier trait se rencontre chez tous les piétistes, c’est sans doute à Schultz que le second est emprunté. Joignez-y cette mesure et ce bon sens pratique, que nous avons signalés chez Schultz et qui n’abandonneront jamais son élève, au milieu des abstractions les plus subtiles et de l’idéalisme le plus raffiné.

Le besoin de concilier la philosophie et la foi religieuse, qui inspire tout l’enseignement et caractérise le rôle de Schultz à l’Université, n’a-t-il pas été la pensée constante de Kant ? C’est pour faire place à la croyance qu’il fait la guerre à la métaphysique ; et la religion, dans les limites de la raison, est le suprême effort tenté par son génie en vue de réconcilier la foi et la raison. Borowski nous assure que Kant se servit pour écrire ce livre d’un ancien catéchisme prussien de 1733, probablement un manuel piétiste que Schultz lui avait autrefois commenté ; et que ses connaissances théologiques étaient puisées presque exclusivement dans les souvenirs ou les notes qu’il avait gardés de l’enseignement de Schultz. Les divisions, les idées de l’ouvrage justifient l’affirmation de Borowski.

Mais l’exemple de Schultz lui avait appris, avant même toute méditation philosophique, que le dogmatisme, aussi bien celui des théologiens que celui des philosophes, est contraire ou plutôt mortel à l’accord de la science et de la foi. Il avait vu son maître aux prises avec les emportements des orthodoxes comme avec ceux des wolfiens ; il avait certainement suivi, avec un intérêt passionné, les phases émouvantes de cette double lutte. La faiblesse des arguments de Schultz contre Fischer ne l’avait sans doute pas moins frappé que la malice et la puérilité des accusations de Quandt. Des