monie préétablie ne doit servir d’ailleurs qu’à expliquer les rapports de l’âme et du corps ; aussi n’en est-il question que dans la psychologie. Dans son Ontologie comme dans sa Cosmologie, Wolf évite d’en parler. Elle n’est plus pour lui le lien de toutes les monades sans exception, mais seulement celui des substances différentes, comme l’esprit et la matière. C’est fausser doublement la doctrine de Leibniz, car l’identité ou l’analogie des substances n’est pas moins essentielle à la monadologie que l’harmonie préétablie. Il semble que Wolf pressentait et voulait prévenir, par ses réserves, les critiques, qu’une conception aussi éloignée du sens commun que celle de Leibniz ne tarderait pas à provoquer.
Mais l’attention n’eut pas été plus tôt appelée sur l’harmonie préétablie, que les contradictions surgirent de tous côtés. Les uns, comme le disciple de Wolf, Bilfinger, tout en interprétant l’harmonie dans le sens préféré par le maître, s’efforcent de revenir à la véritable doctrine de Leibniz sur l’identité de nature des monades. Les autres, comme Müller et Hoffmann, la repoussent avec le système tout entier.
Les piétistes, en 1724, entrent dans le débat et le passionnent, au nom des intérêts menacés, de la religion et de la morale. J. Lange et Budde se signalent par leur véhémence. Le premier fait intervenir l’autorité de saint Paul dans la discussion. « Saint Paul n’a-t-il pas dit que la foi pénètre dans l’âme par l’audition, par la prédication ? Suivant la doctrine impie de Wolf, l’âme tirerait toutes ses connaissances de son propre fonds, et l’enseignement du dehors deviendrait inutile. » L’harmonie préétablie implique d’ailleurs la négation de la liberté, de la responsabilité : elle conduit au spinozisme. Les répliques de Wolf manquent de netteté et de vigueur. On a tort, dit-il, d’attacher tant d’importance à la théorie de l’harmonie préétablie ; « à peine la vingt-cinquième partie du système en dépend-elle. » Il va même jusqu’à conseiller a qu’on « s’en tienne à l’une des deux autres hypothèses, ou même qu’on n’en adopte aucune, si l’on croit trouver des difficultés dans celle de l’harmonie préétablie. » Wolf, évidemment, était fatigué de la lutte qu’il se voyait obligé de soulever contre des adversaires sans cesse renaissants. Dans la seule année 1725, J. Lange avait compté 26 écrits contre Wolf et le système de l’harmonie. Les disciples de Wolf, Thümmig et Bilfinger, suivent l’exemple du maître et évitent de parler encore de la doctrine tant décriée. Aux piétistes se joignent les éclectiques d’alors, comme Hollmann, Abicht et surtout Rüdiger : ils préparent la voie à la théorie de l’influx physique, que vont reprendre pour leur compte des wolfiens, comme Gottsched et