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straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

de Iéna qui, se tenant à l’écart de toute turbulence, poursuivait uniquement un but scientifique et spécialement philosophique. Malgré son jeune âge, Herbart devint bientôt l’âme de cette société, qui compta plus tard un grand nombre d’hommes éminents, tels que Hûlsen, Erich von Berger, Steiïens, etc., et se composait presque exclusivement d’admirateurs fanatiques de Fichte. Tandis que ceux-ci suivaient aveuglément la direction qu’il leur avait montrée et s’en tenaient à la lettre morte de sa « Wissenschaftslehre », contrairement même à l’intention du m^aître qui en relevait toujours l’esprit, Herbart considérait alors déjà la philosophie de Fichte d’un œil critique. Il lui présenta, dès le premier cours de ses études, quelques remarques dirigées contre le second principe de sa philosophie, qui étaient de force à l’ébranler toute entière. L’abîme entre le maître et le disciple augmentait à mesure que le jugement de ce dernier se développait. Aussi, lorsque parurent les premières œuvres de Schelling, basées entièrement encore sur les principes de Fichte, Herbart exposa sous la forme d’une analyse des écrits de Scheliing la critique la plus avancée des idées philosophiques de Fichte. Tous les deux avaient fondé leurs systèmes sur le principe de la conscience de soi-même du sujet, lequel, selon eux, était non-seulement la base de notre savoir, mais encore l’essence de toute réalité. — Or ce fut précisément contre l’idée de la conscience de soi-même, en tant que conception de soi-même, que Herbart dirigea ses attaques, et il tenta de prouver que cette idée contenait un cercle vicieux, qu’elle était contradictoire en elle-même et ne pouvait devenir une base de la philosophie.

C’est ainsi que le jeune Herbart fut le seul qui ne se laissa pas fasciner par Fichte et fut également le seul de toute cette pléiade de penseurs allemands de la fin du xviiie siècle et du commencement du xixe siècle, qui garda un esprit sobre et calme au milieu de l’ivresse spéculative et de cette poursuite effrénée d’un idéal imaginaire.

Ces qualités assurèrent aux idées de Herbart une place entièrement distincte dans l’histoire de la philosophie allemande. N’ayant pas tardé à découvrir les côtés faibles de l’idéalisme transcendant, Herbart se créa une direction philosophique à part. Prenant Kant pour point de départ, ainsi que l’avait fait l’idéalisme transcendant, il l’interpréta toutefois autrement et remonta même à une époque antérieure. Et c’est précisément parce qu’il découvrit aussi des idées saines dans la philosophie des précurseurs de Kant, surtout dans celle de Leibnitz et des penseurs anglais, qu’il posa les fondements d’un édifice qui pouvait paraître bien modeste à côté des systèmes éblouissants de l’idéalisme, mais qui, pour cette