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straszewski.herbart, sa vie et sa philosophie

l’idée de l’être individuel dans celle de l’absolu. Use plaça ainsi décidément du côté de Leibnitz, tandis que ses contemporains se plongèrent dans l’antithèse de la philosophie leibnitzienne, c’est-à-dire dans le spinozisme.

Tous ces traits caractéristiques furent cause que ses écrits passèrent inaperçus au moment de leur apparition, Herbart lui-même savait bien qu’il ne pouvait rivaliser avec la philosophie du moment ; aussi ne se dépêchait-il guère de les publier. Le séjour même de Iéna, ce centre du mouvement philosophique, lui était devenu désagréable, et, profitant de la première occasion qui se présenta, il quitta cette ville sans même attendre la fm de sa troisième année universitaire. Il obtint une place de professeur privé à Berne, et ce fut au milieu de l’imposante nature des Alpes qu’il continua de fixer les contours de son système philosophique. De retour en Allemagne en 1800, il n’osa pas encore proclamer ses idées et débuta par des cours de pédagogie. Il ne donna même pour la première fois qu’une simple ébauche de sa logique et de sa métaphysique, et ce ne fut qu’en l’année 1808 qu’il publia sa Philosophie pratique, en 1816 sa Psychologie et en 1828 sa Métaphysique, considérablement augmentée. Il fut appelé en 1809 à occuper la chaire de philosophie à Königsberg, et, n’ayant pu obtenir en 1833 celle de Berlin après Hegel, il se transporta à Gœttingue, où il mourut en 1841.

L’activité que Herbart déploya à Königsberg s’écoula silencieusement encore, et ce ne fut qu’après la mort de Hegel qu’il attira de plus en plus l’attention générale. Après l’année 1830, la philosophie prit une direction complètement opposée ; elle passa de la spéculation à priori aux sciences naturelles appuyées sur l’expérience ; en un mot, de l’idéalisme au réalisme. On se souvint alors que Herbart s’était prononcé depuis longtemps déjà en faveur d’un réalisme modéré contre les excès de l’idéalisme, qu’il avait prêché l’accord et l’harmonie de la philosophie avec les sciences, et qu’il avait insisté sur l’application d’une méthode exacte aux recherches philosophiques. Bientôt, une école se groupa autour de lui, et ses disciples, se dispersant dans toute l’Allemagne, commencèrent à frayer le chemin aux idées de leur maître.

Néanmoins, sa philosophie n’acquit pas encore l’influence qui lui était due. La science n’ayant pas tardé à se jeter dans l’extrême opposé, c’est-à-dire dans le matérialisme, Herbart parut beaucoup trop métaphysicien aux adeptes de celte nouvelle philosophie, de même qu’il avait passé avant l’année 1830 pour un esprit étroit. — L’attitude de sa propre école contribua aussi, il est vrai, à arrêter le progrès des idées de son fondateur ; au lieu de les développer, elle