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Parmi ces conceptions nouvelles, celles d’une psychologie nnathématique et d’une philosophie morale esthétique occupent le premier rang.

L’idée d’une application de la mathématique aux recherches psychologiques est en effet tellement neuve, que Herbart peut se vanter à juste titre de n’avoir eu sur ce point aucun précurseur. Comme il existait en Allemagne depuis Wolf deux genres de psychologie, dont lune s’appelait spéculative et l’autre empirique, on pourrait croire peut-être que cette psychologie empirique, basée sur l’observation intérieure, renfermait déjà le germe de recherches plus scientifiques. Une opinion pareille serait complètement erronée ; car Kant , qui appréciait du reste l’utilité de l’expérience en psychologie, n’a pas cependant fondé son application de la mathématique sur l’expérience, mais sur des conceptions métaphysiques. Il est opportun d’ajouter ici que ce même Kant, dont Herbart s’intitulait le disciple, avait rayé du rang des catégories de l’expérience toutes les idées métaphysiques, et par conséquent celle de l’âme, et qu’il avait borné l’importance de la mathématique à la sphère de l’expérience pure. Ainsi, les traditions héritées par Herbart auraient pu au contraire détruire dans son esprit l’idée de l’application de la mathématique à la psychologie ; puisque, selon Kant, les vérités mathématiques n’ont de valeur réelle que dans la sphère de l’expérience, et que l’idée de l’âme, base principale de la psychologie mathématique de Herbart ; en était soigneusement exclue. Il est encore plus aisé de reconnaître que ce n’est également pas dans le système de Fichte qu’il a puisé la pensée de cette application.

Il en est de même de sa philosophie morale. Ici toutefois, l’innovation consiste moins dans l’union étroite de la morale à l’esthétique (car Shaftesbury unit déjà le sens moral au sens esthétique), que dans l’idée de fonder l’éthique sur quelques principes ayant une valeur tellement absolue pour notre esprit, que la science ne demande pas pourquoi le sentiment moral repose précisément sur ces principes, mais qu’elle désire surtout en constater le fait. — L’originalité de Herbart se manifeste principalement dans la théorie des idées esthético-éthiques, car la doctrine de Kant sur la raison pratique et les idées morales n’a pu lui fournir sur ce point des indications nécessaires. Les idées pratiques de ce dernier sont plutôt des idées métaphysiques, qui, privées d’une base pour la raison pure, deviennent dans la sphère morale une sorte de règlement pour la volonté, c’est-à-dire pour la raison pratique, tandis que celles de Herbart peuvent exister et conserver leur valeur indépendamment de toute théorie et même des idées pratiques de Kant.