méditée entre les derniers résultats de la Phénoménologie et ceux de la Philosophie de l’inconscient. Les solutions provisoires qu’on rencontre chemin faisant ne peuvent être reçues que sous bénéfice d’inventaire ; leur sanction définitive dépend uniquement de la validité des principes sous-entendus.
M. de Hartmann a été ici le jouet d’une illusion très-ordinaire. On commence par étudier les faits, la matière de la connaissance, sans parti pris, avec le seul désir de découvrir la vérité. Mais, pour peu qu’on ait l’imagination vive et le raisonnement prompt, on ne tarde pas à combiner, d’après un certain nombre d’observations particulières, une synthèse générale qui les relie et les explique. Dès que cette idée a germé dans l’esprit, elle lui devient chère, parce qu’elle est bien à lui ; peu à peu elle s’enracine, l’envahit tout entier ; adieu alors l’impartialité, la froide critique ! les observations nouvelles ne nous parviennent plus qu’à travers le prisme de cette prévention qui les fausse ou les colore à sa manière ; on tient pour non avenus tous les faits qui contredisent la théorie, on s’exagère la portée de ceux qui paraissent la confirmer ; la pensée tout entière n’est plus accessible qu’aux impressions qui l’entretiennent dans sa douce conviction, pareille à ces cordes métalliques qui vibrent dès qu’on produit certains sons et restent muettes pour tous les autres. C’est ainsi qu’un auteur peut se figurer de la meilleure foi du monde qu’il procède encore par induction, lorsqu’il ne fait que déduire les conséquences d’un principe atteint dès l’abord par une sorte de divination.
On pourrait croire que nous reprochons à M. de Hartmann de ne pas avoir appliqué plus rigoureusement les procédés de la méthode inductive ; mais il n’en est rien : cette méthode, ce semble, ne peut être employée en morale qu’à titre d’auxiliaire, pour élucider des difficultés particulières ; dans son ensemble, elle doit être rejetée. Ses partisans les plus décidés, les Anglais, M. Vacherot, les sectateurs de la morale indépendante, se mettent perpétuellement en contradiction avec eux-mêmes, et les termes mêmes dont ils se servent pour la préconiser montrent à l’évidence qu’ils s’appuient, comme leurs adversaires, sur des hypothèses qui dépassent l’expérience, avec cette seule différence qu’ils n’ont pas la franchise de les avouer. Toutes ces hypothèses se trouvent réunies comme à plaisir dans un morceau souvent cité de M. Vacherot : « La nature humaine une fois connue, sa fin, sa loi, ses devoirs, s’en déduisent facilement et sans frais de métaphysique. Alors rien de plus simple, de plus évident, de plus solide, de plus scientifique qu’une morale ainsi faite. En tête de la science, le tableau des grands faits de la vie morale,