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fesse pour la forme impérative de l’éthique, il ne pourra empêcher celle-ci de s’y réintroduire en cachette[1] » Ces lignes, en même temps qu’elles renferment la condamnation sans appel de toute morale « naturelle » , complètent enfin la démonstration que nous avions annoncée ; la méthode suivie par Hartmann n’est expérimentale qu’en apparence ; en réalité, elle repose sur plusieurs postulats, dont le principal est la croyance au caractère impératif de la loi morale. A la différence des systèmes que nous venons d’examiner, l’éthique, pour Hartmann, est donc bien une science des devoirs, et non pas seulement une science des mœurs.

Il reste à savoir si M. de Hartmann, plus ambitieux que ses prédécesseurs, a été aussi plus heureux, et si nous trouverons dans cette éthique les éléments nécessaires pour justifier la forme impérative qu’il lui attribue. Notre recherche se divise naturellement en trois parties. Il faut d’abord que la nature même du devoir soit clairement définie, ensuite que les conditions subjectives du devoir soient réalisées, en dernier heu que la fin proposée à notre volonté soit capable et digne de nous servir de loi. Si sur ces trois points les réponses de M. de Hartmann se montrent satisfaisantes, les divergences de vues ne pourront plus porter que sur des questions de détail.

VI

Le devoir.


Hartmann distingue, comme tout le monde, trois phases dans la moralité : l’état d’innocence, où le conflit entre la passion et le devoir ne s’est pas encore produit ; l’état de moralité réfléchie, où ce conflit éclate et se prolonge, et un troisième état, où les deux adversaires se sont réconciliés au sein d’une harmonie parfaite. Kant appelle sainteté ce troisième état, le plus élevé de tous, et le réserve à des êtres supérieurs à l’humanité ; M, de Hartmann croit qu’il nous est accessible et l’appelle vertu : c’est une question d’appréciation qui présente peu d’intérêt. Il n’en est pas de même de celle qui regarde la nature et la portée de la notion du devoir, car l’état de moralité réfléchie, s’il n’est pas le seul, est le plus usuel de tous. Hartmann caractérise le sentiment du devoir en ces termes obscurs (306) : « C’est la présence immédiate dans la conscience des mo-

  1. Phénoménologie, p. 330.