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Ainsi se forme en lui la représentation de la permanence d’une diversité de sensations simultanées et juxtaposées. Nous sommes en droit de parler de juxtaposition, bien que ce soit là une détermination de l’espace, parce que nous avons appelé rapports d’espace entre les sensations les rapports qu’il dépend de l’impulsion motrice de changer.

S’il arrive que le cercle des presentabilien devienne différent, bien que les impulsions volontaires restent les mêmes, ou si les changements qui s’y sont produits sont indépendants de notre pouvoir moteur, nous donnons à ce groupe de sensations le nom d’objectif et, comme dit Fichte, de non-moi.

Cherchons-nous à déterminer maintenant les conditions empiriques d’où dépend la formation de l’intuition de l’espace, c’est le sens du toucher qu’il faut consulter surtout. L’aveugle comme le voyant procèdent vraisemblablement de la même manière. Le doigt, en se promenant le long des objets, apprend à connaître par le tact l’ordre dans lequel se produisent leurs impressions. On observe que cet ordre est indépendant de l’application de tel point ou de tel autre ; que ce n’est pas un ordre linéaire, mais un ordre de juxtaposition superficielle, ou, pour parler la terminologie de Riemann, « une diversité de second ordre ». Mais, pour parcourir l’espace et les diverses surfaces tangibles qu’il contient, il faut une diversité plus grande d’impressions tactiles que pour une seule surface : il faut que lu troisième dimension s’ajoute aux deux autres. « Et cette dernière suffit à toutes les expériences, car une surface continue divise parfaitement l’espace que nous connaissons… Et de même qu’une ligne ne peut enfermer qu’une surface, non un espace, par conséquent une forme extensive de deux, non une autre de trois dimensions, ainsi une surface n’enferme qu’un espace de trois dimensions, non un espace de quatre dimensions. » Puisque l’espace ne résulte ainsi que de l’ordre dans lequel les sensations se présentent à l’organe qui est mis en mouvement, on comprend que les objets nous apparaissent dans l’espace revêtus des sensations qu’ils éveillent en nous.

Sans doute cette analyse de l’intuition d’espace choque le sens vulgaire, qui considère toute intuition sensible comme une donnée simple, irréductible, immédiate. Une partie des physiologistes qui s’occupent d’optique, et tous les kantiens rigoristes considèrent l’intuition de l’espace comme ayant ce caractère. Kant, on le sait, croyait non-seulement que l’intuition générale de l’espace est transcendantale, mais que les déterminations particulières de l’espace, telles qu’elles sont exprimées dans les axiomes de la géométrie, sont connues à priori, antérieurement à toute expérience. C’est ainsi que les propriétés de la ligne droite, de la surface, des parallèles, étaient pour lui des vérités non-seulement nécessaires, mais transcendantales. Si Ion doit admettre avec lui que l’intuition de l’espace est une forme transcendantale, rien ne prouve que les axiomes ont une origine également transcendantale. Kant, en soutenant que les relations extensives, qui contredisent les