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analyses.helmiioltz. Les faits dans la perception.

peut considérer la sensation comme le signe, non comme la copie de l’action extérieure. Le rapport consiste en ce que le même objet, dans les mêmes circonstances, provoque l’apparition du même signe dans la conscience. Le vulgaire trouvera, sans doute, insuffisante cette corrélation de la sensation et du mouvement extérieur : elle nous met en état pourtant de constater les lois des processus extérieurs, c’est-à-dire la succession régulière des causes et des effets. Si des graines d’une certaine espèce, en mûrissant, forment simultanément du pigment rouge et du sucre, les sensations du rouge et du doux seront indissolublement associées dans l’impression qu’elles produiront sur nos sens.

Il reste toujours vrai que la physiologie ne considère les qualités de la sensation que comme une pure forme de l’intuition. Kant allait plus loin. Ce ne sont pas seulement les qualités des sensations qu’il rapportait à noire organisation sensitive, mais aussi le temps et l’espace. Pour lui, les déterminations locales n’appartiennent pas plus aux objets réels, à la chose en soi, que la couleur n’appartient au corps. L’analyse scientifique peut accepter cette théorie dans une certaine mesure. Nous remarquons que les impulsions motrices que nous produisons spontanément par un acte d’innervation modifient certains de nos états psychiques immédiats et n’ont pas d’influence sur les autres ; qu’ainsi nos perceptions de couleur, de forme, de son en dépendent, tandis que nos souvenirs, nos désirs, etc., échappent à cette action. De là une première et profonde différence entre nos états psychiques. Si l’on donne le nom de rapports d’étendue aux rapports que nous changeons immédiatement par nos impulsions motrices, l’intuition de l’étendue, ainsi associée à nos sensations motrices, sera une forme subjective, comme celles du rouge, du doux. Naturellement, elle ne sera pas plus que ces dernières une stérile apparence.

Personne ne niera sans doute que la possibilité d’être modifiées par l’effet de nos mouvements volontaires ne caractérise toutes les perceptions relatives aux objets étendus. Mais il s’agit de savoir si toutes les déterminations de notre intuition de l’espace peuvent s’expliquer de la même manière.

Supposons un homme étranger encore à toute notion d’espace et placé au milieu d’objets immobiles. Il prend conscience de leur immobilité, en observant que, tant qu’il ne produit aucune impulsion motrice, ses sensations demeurent invariables. Dès qu’il se meut, ses sensations changent ; elles redeviennent les mêmes, s’il se replace dans la situation précédente par un mouvement contraire. Appelons presentabilien le groupe de sensations qu’il peut ainsi modifier, évoquer à son gré, et présent la somme de sensations qui arrive à sa perception. Il remarque qu’il lui suffit d’un mouvement pour faire, à chaque moment, d’un de ces presentabilien, un présent. Chacun des presentabilien lui paraît donc subsister à travers les moments successifs de la durée que son observation embrasse ; il induit qu’il n’a qu’à vouloir pour le percevoir.