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l’opposé de AC. Il est clair qu’on peut, d’une infinité de manières, résoudre AB en une somme d’accélérations.

Après cette explication, qui, vu l’importance extraordinaire de la conception de force, n’aura point, je l’espère, épuisé la patience du lecteur, nous sommes en état d’énoncer le grand fait qui résume cette conception. Ce fait est que si l’on résout de la façon qui convient chacune des modifications actuelles de mouvement subies par les différentes particules d’un corps, chaque accélération composante est précisément telle que l’ordonne une loi naturelle d’après laquelle les corps, placés dans les positions relatives qu’occupe, au moment actuel, le corps en question, éprouvent toujours certaines accélérations de mouvement qui, composées par addition géométrique, forment l’accélération actuellement éprouvée par ce corps.

Tel est le fait certain contenu dans l’idée de force, et quiconque voudra prendre la peine de comprendre clairement ce qu’est ce fait comprendra parfaitement ce que c’est que la force. Doit-on dire que la force est une accélération de mouvement ou qu’elle cause l’accélération ? C’est pure question de propriété de termes et qui ne touche pas plus au vrai sens de la pensée que ne le fait la différence entre l’expression française : Il fait froid, et l’expression anglaise correspondante : It is cold[1]. Il est cependant surprenant de voir quel désordre cette simple différence de mots a porté dans les esprits. Combien d’ouvrages sérieux parlent de la force comme d’une entité mystérieuse, ce qui semble seulement dénoter que l’auteur désespère d’acquérir jamais une claire notion de ce que le mot signifie.

Un livre récent et admiré sur la « Mécanique analytique » déclare qu’on saisit avec précision l’effet d’une force, mais que ce qu’est la force en elle-même, on ne le comprend pas. Ceci est simplement contradictoire ; l’idée que le mot force fait naître dans l’esprit ne peut faire autre chose que d’affecter nos actions, et ces actions ne peuvent avoir de rapports avec la force que par l’intermédiaire de ses effets. Par conséquent, connaissant les effets de la force, on connaît tous les faits impliqués dans l’affirmation de l’existence d’une force, et il n’y a rien de plus à savoir. La vérité est qu’il circule la notion vague qu’une question peut renfermer quelque chose que l’esprit ne peut concevoir. Lorsqu’on a mis en face de l’absurdité d’une telle vue certains philosophes, ils ont imaginé une vaine distinction entre des conceptions positives et des conceptions négatives, dans un effort pour donner à leur idée vide une forme moins manifestement saugrenue. Le néant de cette tentative ressort suffisamment

  1. Mot à mot : Il est froid.