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séailles. — la science et la beauté.

serait formée par la combinaison de ces deux images d’une perspective un peu différente. Votre tableau n’a qu’un point de vue et « montre à l’œil droit absolument la même image et les mêmes objets représentés qu’à l’œil gauche. Or c’est dans cette différence des images des deux yeux que se trouve le moyen le plus précieux pour juger avec exactitude à quelle distance les objets se trouvent de nos yeux et quelle est dans l’espace leur étendue en profondeur. » La construction du stéréoscope le prouve. Dans cet instrument, deux images, prises de deux points de vue répondant aux lignes de vision des deux yeux, et combinées de façon que chaque œil voie celle qui lui est destinée, nous donnent la sensation nette du relief et de la profondeur, que ne donne pas chaque image vue séparément. Ainsi les formes ne sont pas perçues dans un tableau comme elles le sont dans la réalité, c’est un fait. Si le peintre refuse de suppléer à l’insuffisance de ses moyens par son habileté à user de toutes ses ressources, il ne montre pas sa force, mais son ignorance des conditions et des limites de son art. Qu’il le veuille ou non, il ne parle pas comme la nature, et son langage est une interprétation.

La perspective linéaire est un des signes les plus expressifs de ce langage pittoresque. La science se fait par elle l’auxiliaire de l’art, auquel elle prête la certitude de ses principes. Sans entrer dans le détail, essayons de faire comprendre comment est possible cette intervention de la géométrie dans la peinture. La lumière, quand elle ne passe pas d’un milieu dans un autre, de l’air dans l’eau par exemple, se propage en ligne droite ; l’œil est ainsi conformé que la hauteur et le volume de tous les objets diminuent en proportion de la distance où il les voit ; prolongez cette distance indéfiniment, à l’horizon cet objet est un point. Ces deux vérités reconnues, voici des conséquences qui peuvent donner l’idée de la méthode géométrique, par laquelle on établit les théorèmes de la perspective. Un tableau est tendu verticalement devant moi, j’appelle ligne d’horizon la ligne qui est à la hauteur de mon œil ; point de vue, le point fixé par mon œil quand je regarde perpendiculairement au tableau ; le point de vue est donc sur la ligne d’horizon. Des lois de la lumière et de la vision je conclus immédiatement que toutes les droites perpendiculaires au plan du tableau doivent passer par ce point dans l’image perspective ; en effet, les rayons lumineux se propageant en ligne droite, toutes ces lignes sont parallèles à la ligne qui va de l’œil au point de vue, et, comme la grandeur apparente des objets diminue à mesure qu’ils s’éloignent de f œil, les distances égales qui séparent ces lignes doivent toujours diminuer jusqu’à se confondre à l’horizon en un seul point qui est le point de vue. Le point de vue fixé nous permet donc