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séailles. — la science et la beauté.

chers de soleil, où la lumière de l’horizon du dernier au premier plan laisse mille indications précises. De là aussi le danger des paysages en plein midi. Le soleil tombe droit, étale de tous côtés une clarté uniforme, sans intelligence, qui supprime le modelé ; il plonge tout dans une sorte de brasier ardent, il éteint la couleur dans la fusion d’un rayonnement doré qui n’a de charme que par l’intensité d’une lumière chaude, puissante, impossible à rendre par la froideur terne de nos couleurs sans éclat.

La perspective aérienne est encore un des moyens de donner l’illusion de l’étendue en profondeur sur une surface plane. La science explique à l’artiste ce que la délicatesse de ses sens lui aurait permis de constater. Entre le spectateur et les objets éloignés s’interposent des masses d’air illuminées ; or cet air n’est pas pur. L’été, voyez un rayon de soleil qui pénètre dans une chambre dont les volets sont fermés ; sur sa route se soulève et s’agite une multitude de molécules flottantes. Nous sommes ainsi plongés dans une atmosphère de poussière que la lumière doit traverser pour arriver jusqu’à nous et où elle subit des réflexions qui la dispersent. Qu’est-ce que la lumière ? Un mouvement ondulatoire. Qu’est-ce que la lumière blanche ? L’ensemble des mouvements à ondes plus ou moins longues qui constituent les diverses couleurs du spectre. Les rayons jaunes et rouges ont les ondes les plus longues, les rayons violets et bleus ont les ondes les plus courtes ; les premiers ne seront donc dérangés dans leur marche que par les corpuscules assez gros, les seconds seront réfléchis parles molécules des poussières plus fines[1]. De là, selon les poussières soulevées dans l’atmosphère, des colorations diverses de l’espace et des objets répandus dans l’espace. « La lumière des milieux dont la transparence est altérée est d’autant plus bleue que les molécules obscurcissantes sont plus petites, tandis que des molécules plus grandes réfléchissent plus uniformément la lumière de toutes les couleurs et produisent un effet plus blanchâtre. » Quand le ciel est très-pur, la lumière du soleil perd par réflexion ses rayons bleus et violets et répand sur tout le paysage ce ton chaud, ce jaune doré qui tond les couleurs dans une ardeur de flamme. A l’aurore, au couchant, la lumière qui vient de l’horizon jusqu’à nous, perdant dans ce trajet les rayons bleus et violets, se colore de tons roses, jaunes, orangés ou rouges, auxquels se mêle par contraste la délicatesse d’un vert d’opale. Le peintre

  1. M. Helmholtz se sert d’une comparaison claire : une bûche s’opposera aux ondulations que vous formerez en jetant une pierre dans une eau dormante : elle les brisera, les déformera ; celte même bûche sera entraînée par une longue vague de la mer, sans en modifier le mouvement ni la forme.