Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
602
revue philosophique

tivement sur le tableau, parce que l’échelle des couleurs et des clartés sur ce dernier s’écarte de la réalité. »

L’étude de l’œil nous permet encore d’établir quelques lois relatives à l’harmonie des couleurs. Ce dont il faut se souvenir avant tout, c’est qu’une couleur n’existe pas par elle-même, c’est qu’elle est une note dans un accord, c’est qu’elle résonne tout autour d’elle et qu’elle est modifiée par l’écho des couleurs voisines. L’abus d’une même couleur fatigue l’œil, colore le tableau tout entier de la complémentaire ; trop de rouge, par exemple, et il semble que les objets soient plongés dans une lumière fantastique d’un vert bleuâtre. Par l’abus des couleurs saturées, on arrive à un bariolage ; l’œil est tiré de tous les côtés à la fois, ne sait où aller, s’égare, rien ne fixant son attention dans cette multitude de mots qui bruissent à la fois. Parfois même, ces couleurs s’éteignent les unes les autres, et l’exagération voulue de la couleur échoue dans la grisaille. S’il faut éviter la monotonie qui fatigue, l’unité n’est pas exclue par les jeux variés d’une coloration harmonieuse : la perspective aérienne donne à l’air une teinte qui ne laisse pas à la lumière sa blancheur absolue. Cette couleur de la lumière partout présente modifie les diverses nuances, atténue les duretés, évite les dissonances, les brusqueries, et contribue ainsi à l’unité d’impression.

En résumé, la perspective linéaire se ramène aux lois de la géométrie ; l’optique nous apprend ce qu’est la lumière, de quels éléments elle se compose, comment elle se transforme d’après les milieux qu’elle traverse ; elle mesure les rapports de la clarté dans la réalité et dans Fart, calcule leur intensité relative, marque leur distance ; la physiologie des sens nous montre les caractères particuliers de la vision dans la peinture, cherche dans la structure de l’organe les conditions de son exercice normal, nous avertit des images subjectives qui naissent des réactions propres de l’œil et qui, ne pouvant être évoquées par les couleurs plus ternes du tableau, doivent être reproduites directement. Quel profit l'artiste peut-il recueillir de la connaissance de ces lois[1]? Quelles conclusions le philosophe peut-il tirer de cette étude scientifique de la forme matérielle du beau ? À quel point le savant qui observe par les sens laisse-t-il la place au psychologue qui observe par la conscience et la réflexion ?

L’artiste est le premier à profiter de ces enseignements de la science. Il voit démontré ce qu’un excès de présomption, l’ivresse

  1. Par la loi des contrastes simultanés, les couleurs complémentaires rapprochées se combinent sur le tableau, comme sur le disque tournant, et se fondent en une teinte d’un blanc grisâtre.