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séailles. — la science et la beauté.

problème alors n’est plus de faire l’impossible, de créer un vrai soleil avec un peu de couleur jaune ; il s’agit seulement de respecter les valeurs, d’exprimer avec exactitude les proportions des clartés réelles. Le peintre ne reproduit pas la clarté du soleil, l’éclat des objets qu’il illumine ; sa lumière est plus pâle, mais l’œil qui la regarde est moins fatigué, et, comme toutes les valeurs réciproques des clartés dans la nature sont conservées, le spectateur éprouve l’impression qu’il aurait en face de la réalité. L’artiste ne copie pas, il transpose.

Ce qui est vrai de la clarté est vrai des couleurs. La nature produit ses effets par la force ; l’art n’imite pas cette force, qu’il ne saurait égaler ; il reproduit l’impression qu’elle fait sur nous. Toutes nos sensations sont des combinaisons de trois différentes sensations simples : celles du rouge, du vert et du violet, qui sont perçues indépendamment l’une de l’autre par trois systèmes différents de cellules des centres optiques. Il y a pour ainsi dire dans l’œil trois yeux, un pour le rouge, un pour le vert, un pour le violet, mais trois yeux qui travaillent ensemble ou deux à deux et produisent par cet exercice simultané la sensation de la lumière blanche et dos diverses nuances. Voyons par quels artifices le peintre rend les effets des couleurs réelles : pour y réussir, ce n’est pas ce qui est, ce sont ses sensations qu’il peint. Voici des exemples. L’impression du blanc est une combinaison des impressions que les diverses couleurs spectrales produisent sur notre œil : or, sous une clarté intense, notre sensibilité pour le rouge et le jaune est très-vive ; dans l’ombre, nous percevons surtout le violet et le bleu. Ainsi dans le blanc, sous une vive lumière, c’est le jaune, sous une clarté pâle, c’est le bleu qui parait dominer. Le peintre peut étaler sur sa toile son blanc terne ; il ne dispose pas d’une clarté assez intense pour faire sortir ainsi la couleur jaune de cette combinaison des diverses couleurs qui donne le blanc : il ne lui reste qu’à traduire sa sensation elle-même, qu’à reproduire par un mélange de jaune l’effet d’un blanc fortement éclairé sur notre œil. On sait encore qu’après avoir regardé longtemps du rouge on voit les objets colorés d’une teinte verte : l’œil qui voit le rouge fatigué ne perçoit plus ; pour un instant, il cesse d’exister ; le rouge disparaît donc pour nous de la lumière blanche, et nous ne voyons plus que les couleurs qui, combinées avec le rouge, reproduisent le blanc. Les couleurs de l’artiste sont ternes, éteintes ; s’il veut rendre ces contrastes produits par l’intensité des couleurs réelles, il faut qu’il peigne ces contrastes eux-mêmes, en colorant de la complémentaire l’espace environnant. « Ici encore, il faut que les phénomènes subjectifs de l’œil soient reproduits objec-