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reinach. — le nouveau livre de hartmann.

tière égalité : c’est le remplacement des formes surannées d’inégalité et de servitude par des inégalités et des servitudes légitimes, c’est-à-dire réclamées par l’état actuel de la société.

Ainsi le problème politique se résout dans le problème social. Les socialistes l’ont bien compris ; mais, suivant Hartmann, la solution qu’ils proposent pour ce dernier problème se réfute par sen conséquences. Les socialistes partent, on l’a vu, du principe de l’intérêt général : il s’agit de rendre la plus grande possible la somme totale des jouissances des hommes. Or un calcul mathématique très-simple prouve que cette somme atteint son maximum quand toutes les fortunes deviennent égales[1] : le nivellement complet des fortunes pour toujours est la première conséquence du principe, et ce nivellement ne peut être réalisé que par la suppression du capital individuel et la concentration de tous les capitaux entre les mains de l’État.

Le nivellement des fortunes et, par suite, des salaires entraîne d’autres espèces de nivellement. Considérons d’abord le travail. Ce qui engage un bon ouvrier à travailler avec plus d’ardeur et d’habileté que ses camarades, c’est l’espoir d’une meilleure rémunération. Qu’on supprime cet appât, tout intérêt disparaît et la force de travail de tous les ouvriers s’abaisse à un niveau commun, représenté par le minimum actuel, et qui continuera à baisser de plus en plus ; car la crainte d’éveiller des haines transforme plus vite un bon sujet ou un médiocre que l’émulation ne change un médiocre sujet en un bon. Delà un abaissement progressif et rapide de la capacité de travail, pour l’intensité comme pour la qualité, abaissement qui se manifeste déjà partout où les associations ouvrières ou socialistes ont appliqué le principe eudémoniste de l’égalité des salaires. Actuellement, ces résultats sont encore paralysés par la concurrence des ouvriers restés en dehors des associations : elle force ces dernières à maintenir le niveau de leur travail à une hauteur qui leur permette de soutenir la lutte ; mais que cette barrière tombe par l’entrée de tous les artisans dans les cadres des associations : la conséquence immédiate sera une décadence si effrayante que les socialistes pensants commenceront à douter eux-mêmes de la justesse de leurs principes (628).

  1. Soit a la moyenne des fortunes, la fortune d’un riche, celle d’an pauvre. Par le fait du surplus n, le riche éprouve un excès de jouissance exprimé par  ; du fait de la différence n, le pauvre éprouve une diminution de jouissance exprimée par . La seconde quantité, ayant un dénominateur plus petit, est plus grande que la première, et par suite la somme des jouissances n’atteint son maximum que pour (p. 626).