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pourraient encore fournir une discussion intéressante où se vérifieraient les appréciations d’un livre récent[1] sur la conception du droit particulière au génie allemand ; enfin ceux que préoccupe la question religieuse pourront faire leur profit de certaines remarques fort judicieuses sur le caractère et l’avenir du christianisme, dont M. de Hartmann n’aperçoit le salut que dans le triomphe de la doctrine de l’amour prêchée par saint Jean, sur celle de la foi prêchée par saint Paul. Ce dernier point aurait surtout mérité de fixer notre attention, n’était que l’auteur, ainsi qu’il nous fait l’honneur de nous l’écrire, se propose d’en reprendre prochainement l’étude avec de nouveaux développements dans une Phénoménologie de la conscience religieuse qui complétera son petit écrit sur La religion de l’avenir. Obligé de nous restreindre, nous bornerons notre examen à deux questions qui passionnent aujourd’hui l’opinion publique de l’autre côté des Vosges et qui ne tarderont pas à reparaître à l’ordre du jour de ce côté-ci : la question sociale et la question des femmes.

En Allemagne, la question sociale a tout à fait relégué dans l’ombre la question politique. M, de Hartmann n’a pas échappé au courant général. Il fait bon marché des principes politiques qui ont exalté les générations précédentes. À son avis, les fameux « principes de 1789 », qu’il réduit à deux, la liberté et l’égalité, sont les plus creuses abstractions qui aient jamais germé dans des cerveaux faussés par le « plat rationalisme » du xviiie siècle. La liberté est un concept à la fois négatif, relatif et improductif qui équivaut à l’absence de contrainte ; or il y a des contraintes légitimes, nécessaires et, par suite, des libertés abusives. Ainsi, ce que le clergé entend par « liberté de l’Église » est justement le contraire de la liberté désirable : c’est « l’absence de toute barrière à son système d’asservissement, de dépravation et d’abêtissement intellectuels » (378). En politique, le principe de liberté, poussé à ses conséquences extrêmes, conduit à la négation complète de l’État ; en ce sens, les partis démagogique et ultramontain sont les héritiers légitimes des apôtres de la Révolution française ; mais ils ne font que substituer à la contrainte politique un despotisme bien plus intolérable. Le seul terrain où le principe de liberté doive trouver une application sans réserve est celui de la religion. L’égalité absolue n’est pas plus justifiée que la liberté : l’égalité devant la loi, par exemple, entendue au sens strict, est le comble de l’absurdité et de l’iniquité, car les effets d’une même peine sont bien différents suivant le sujet auquel on l’applique. En résumé, la fin qu’on doit poursuivre n’est ni l’entière liberté ni l’en-

  1. L’Idée du droit, par M. Alfred Fouillée.