Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/636

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
630
revue philosophique

base peut s’élargir en même temps que le sommet s’élève. Plus il y aura d’appelés, plus il y aura d’élus ; on peut désapprouver l’ « américanisme » sans prendre pour idéal la société russe.

Dès qu’on voit les choses de près, tous les fantômes s’évanouissent ; le chimérique Ariel rejoint le fantastique Caliban ; l’un est au-dessus de l’humanité, l’autre au-dessous. Rien n’éliminera les inégalités naturelles entre les hommes, et cela ne serait pas non plus désirable ; mais rien n’empêche que le cercle des privilégiés admis aux jouissances de la pensée n’aille s’élargissant de plus en plus. La flamme qui brûle sur l’autel ne s’éteindra pas parce qu’on aura fait le jour dans le temple et qu’on en aura ouvert les portes à tous ceux qui sont dignes d’entrer. Quant à gémir sur l’avenir de l’humanité, c’est une chose vaine : sa route n’a pas été fixée d’avance d’une manière immuable ; elle ira où la mèneront ses chefs, et ce sera au bien s’ils, réalisent dès maintenant l’union des intelligences et le concours des volontés[1].

X

Les femmes.

Schopenhauer était misogyne, du moins dans ses écrits. Nos critiques français ont fait un éloge à M. Hartmann d’avoir déserté, sur ce point, les errements de son maître. « Il répudie, dit M, Janet, la manière grossière et basse dont Schopenhauer parle des femmes et déclare que ceux qui ne savent pas respecter les femmes prouvent par là même qu’ils n’ont connu que celles qui ne méritent pas d’être respectées. » Il ne faudrait pas croire cependant que Hartmann se pose en chevalier du sexe envers et contre tous ; il le couvre parfois de fleurs, mais il sait à l’occasion lui dire des vérités qui peuvent sembler des sévérités. En tout cas, il lui fait l’honneur de parler de lui souvent et en détail ; il ne se contente pas du jugement sommaire de Schopenhauer : « Les femmes ont les cheveux longs et les idées courtes. »

C’est surtout à propos de la morale du sentiment qu’il est question des femmes dans la Phénoménologie. Voilà, en effet, leur domaine propre, comme la morale du devoir est celui des hommes. C’est par le cœur qu’il faut prendre les femmes, si l’on veut agir sur elles : au théâtre, à l’église, partout, le sentiment, chez elles, prend le pas sur la raison ; elles cherchent un feu qui les échauffe plutôt qu’une

  1. Voir l’éloquente réfutation de l’ « école aristocratique » dans le récent livre de M. Fouillée, l’Idée du droit. Il n’y airait de réserve à faire que sur l’emploi du mot liberté.