Nous nous associons à la plupart des vues émises par M. de Hartmann au sujet des femmes ; nous ne ferons nos réserves que sur deux points. D’abord nous croyons qu’il y a quelque exagération dans la peinture des souffrances inhérentes au rôle de la femme. Les ennuis sont réels, mais ils sont compensés par des plaisirs non moins vifs. Sans parler de jouissances moins relevées, le sourire du premier-né sèche bien des larmes. Nous trompons-nous ? Mais il nous semble reconnaître ici l’influence de Mme de Hartmann qui, on le sait, représente « l’élément pessimiste » dans la famille de notre philosophe. Serait-ce d’ailleurs la première fois qu’un homme d’esprit écrivant sur les femmes aurait eu le tort de se fier trop aveuglément aux impressions personnelles de la sienne ? — En second lieu, M. de Hartmann ne nous paraît pas avoir bien marqué la mesure où il convient d’instruire les jeunes filles des épreuves qui les attendent et de la « mission » qui leur appartient. Il y a dans sa théorie quelque sécheresse, quelque brutalité même, et nous en sommes surpris. Les femmes n’ont pas seulement des titres au respect de l’humanité parce qu’elles la perpétuent, mais encore, comme dit le poète, a parce qu’elles tissent des roses célestes dans la trame de la terrestre existence[1]. » Par exemple, la conversation d’une jeune fille qui n’est point sotte et qui a été élevée par une mère prudente offre dans notre civilisation moderne un charme particulier, indéfinissable, que rien ne saurait remplacer. L’esprit, la grâce, la fraîcheur y entrent bien pour une part, mais pour une âme délicate l’attrait principal d’un pareil entretien est dans le plaisir de la difficulté vaincue. C’est une jouissance exquise et que l’on comparerait volontiers à celle d’un habile danseur de corde, qui va, sans trébucher, d’un bout à l’autre de son chemin périlleux. Un mot, un geste, une intonation de voix suffit pour effaroucher cette aimable candeur qui s’allie heureusement avec un vague soupçon de la réalité. La banalité frivole évite les chutes en rasant le sol ; l’art consiste à s’élever aussi haut que possible sans perdre l’équilibre. Ce n’est pas seulement l’amour-propre qui trouve dans cet exercice une satisfaction rare et précieuse : le sens des convenances s’y raffine, le goût s’y épure, le pouvoir personnel s’y fortifie ; c’est avoir à moitié vaincu ses passions que de savoir enchaîner sa langue. En un mot, nulle épreuve n’est plus propre à distinguer le mérite des jeunes gens, ni plus salutaire à ceux qui l’affrontent.
Il ne faut pas que, sous prétexte d’éclairer les femmes, on les
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Ehret dip Frauen : sie flechten und weben
Himmlische Rosen ins irdische Leben (Schiller).