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reinach. — le nouveau livre de hartmann.

que Hartmann dit ici est aussi fou que dix aliénés. » Une revue scientifique très-répandue et très-estimée, la Gäa, ne se contente pas de déclarer « que rarement le monde a été plus impudemment dupé que par le bousillage philosophico-scientifique du sieur Hartmann à Berlin ; » elle a encore recours au moyen de polémique bien connu qui consiste à crier à tue-tête qu’un homme est mort, afin de l’enterrer : « La grande débâcle (der grosse Krach) est enfin tondue sur M. de Hartmann. » Telle est aussi l’opinion de l’honorable prédicateur Knauer : « La philosophie de l’absolu est finie ; elle a fait un triste fiasco. La roue de l’histoire lui a passé sur le corps et l’a écrasée avec ses prétentions. »

Un autre écrivain, M. Ubell, s’étonne que non seulement le gros public, mais même des savants distingués comme Zœllner et Hæckel se soient laissé mettre dedans « au point de s’occuper sérieusement de cette philosophie et ne se soient pas aperçus du rabâchage pitoyable et sans pareil (beispiellos elendes Machiverk) auquel on avait à faire. Le public scientifique allemand s’est totalement diffamé ! »

Des gens plus fins se donnent la peine d’aller au fond de cette « grossière mystification » ; ils cherchent l’origine secrète de ce « succès scandaleux ». Suivant le docteur Bruno Meyer, quelques misérables réclames glissées subrepticement dans deux ou trois journaux sont la semence imperceptible d’où est sortie toute la réputation de Hartmann. Nous trouvons la même explication dans une Correspondance autrichienne, qui résume en deux mots la Philosophie de l’inconscient : « Tout ce qui n’y est pas niais est absurde, tout ce qui n’y est pas absurde est niais. » Voilà qui est délicatement exprimé. Le Wiener Tagblatt met la panacée miraculeuse de Hartmann dans un même panier avec les annonces de pastilles mirifiques, d’onguents contre les engelures, de pilules contre la toux, de bonbons et de pommades. Ce ton frivole nous étonne davantage chez Frédéric Bodenstedt, poète et homme d’esprit, l’auteur des Chants de Mirza Schaffy. Il a consacré au « philosophe à la mode » deux épigrammes, dont la moins fade peut se rendre ainsi :

Colosse inconscient dominant toute chose,
Sur l’épaule d’Hegel l’un de ses pieds repose,
  L’autre pied sur Schopenhauer.
La foule admiratrice en bas grouille et l’encense,
D’inconscients genoux ploient devant sa puissance,
D’inconscients saluts montent vers lui dans l’air.

Préfère-t-on le genre tragique ? Voici Les dévots protestants et catholiques qui nous serviront à souhait. Un M. Pesch pro-