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de l’histoire de la philosophie. — Rappelons-nous avant tout le principe fondamental du système de Schelling. La philosophie, affirme-t-il, doit commencer avec l’idée de l’absolu. Il s’agit seulement de savoir s’il faut chercher cet absolu dans le moi ou dans le non-moi. Or, d’après Schelling, le véritable point de départ pour la spéculation, c’est le moi absolu dans toute sa pureté, le moi que nul objet n’a encore limité, mais qui s’affirme soi-même en vertu de sa propre liberté. Ce moi occupe la sphère de l’Être absolu, dans les bornes de laquelle surgissent les différentes limites occasionnées par l’objet. La limitation qui y règne devra être toutefois écartée, ce qui aura pour résultat de ramener le moi dans la sphère de l’infini. Fichte considère également le moi comme être absolu, et il proteste décidément contre la restriction de l’idée du moi à celle du moi individuel. Il s’ensuit donc que la pensée de Schelling formulée ci-dessus exprime tout aussi bien le principe fondamental de Fichte. Il serait difficile de trouver une appréciation plus juste de la philosophie de Schelling, et par conséquent de celle de Fichte, que l’opinion énoncée déjà par Herbart dans les « quelques mots sur Schelling » envoyés à Rist. « Schelling, écrit-il, a étudié attentivement Spinoza, et le défaut principal de ce penseur ne lui a pas échappé. C’est ce qui a fait précisément qu’il est tombé dans l’extrême opposé, grâce toutefois à Kant et à Fichte[1]. » L’idée fondamentale de Spinoza que l’univers entier est une seule substance unissant dans la conscience de soi-même tous les corps et tous les esprits est sans contredit une idée élevée ; mais, ajoute Herbart, elle a un défaut capital, celui de nous faire ignorer par quel moyen nous arrivons à la connaissance de cette réalité extérieure, dont nous ne sommes qu’un fragment. Schelling s’est bien aperçu de cette difficulté, car il a essayé de la vaincre, en affirmant que le moi seul est réel, tandis que l’univers entier qu’il s’oppose à lui-même n’est primitivement qu’un vide absolu et infini. Mais, dans ce cas, ce vide absolu supprimerait le moi, et, comme d’une autre part c’est le moi qui se l’oppose, ce serait donc le moi qui s’anéantirait lui-même. Pour remédier à cet inconvénient, le moi et le non-moi sont contraints de se limiter réciproquement, c’est-à-dire qu’ils font un sacrifice mutuel, l’un de sa réalité absolue, l’autre de son vide absolu. Il en résulte une lutte dont le but suprême est l’anéantissement de tout objet.

C’est à ce système étrange que Herbart adresse déjà dans ses remarques envoyées à Rist les questions suivantes[2] : Comment se fait-il que le moi se crée dans son sein, par sa propre force absolue,

  1. Perioden, etc., p. 28.
  2. Perioden, etc., p. 26.