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straszewski. — herbart, sa vie et sa philosophie.

une lutte qui doit l’occuper éternellement, et comment une lutte avec un ennemi imaginaire peut-elle autre chose qu’un simple divertissement ? D’où vient-il ensuite que le moi se divise lui-même et de bon gré en deux partis contraires, et pourquoi le non-moi a-t-il cessé d’être ce qu’il était, un vide et une impuissance absolus ? — Ces questions témoignent avec quelle profondeur de jugement Herbart apprécie la philosophie de Schelling et comme il frappe juste dès le premier coup. Nous pouvons en conclure facilement que les observations sur Schelling qu’il a communiquées plus tard à Smidt, pourvues des notes de Fichte et développées systématiquement, doivent être d’une importance et d’un intérêt tout particuliers. Elles sont au nombre de vingt-sept, dont- treize contre le premier et le reste contre le second traité de Schelling. Considérons brièvement les principales d’entre elles. Herbart accorde à Schelling que la recherche des principes est la tâche la plus importante de la philosophie ; mais ce qu’il ne peut admettre, c’est que le caractère de ces principes soit absolu. Un principe absolu serait une thèse achevée et formée intérieurement, dont on ne pourrait plus rien extraire ; un principe pareil peut être le résultat définitif, le couronnement d’une spéculation, jamais un commencement de recherches. Le principe qui sera un point de départ pour la philosophie devra nécessairement renfermer en soi des contradictions et devra être, d’un côté sûr et absolu sans aucune preuve, de l’autre impossible et contradictoire en lui-même. Cette double nature du principe aura le mérite de forcer la spéculation au travail, à l’écartement des contradictions qui s’y trouvent, et sera un véritable commencement de philosophie. Nous nous rencontrons ici, observe Zimmermann, pour la première fois, avec la pensée la plus importante de la métaphysique herbartienne, se résumant en ces mots : Écarter les contradictions renfermées dans les principes, voilà le but suprême de la métaphysique.

Herbart réfléchit ensuite sur le second défaut capital de Schelling, c’est-à-dire sur la confusion de la cause première dans notre pensée avec ce qui est primitif dans l’Être ; en un mot, sur la confusion de l’Être avec la pensée[1]. Schelling conclut de ce que la réalité doit être absolument et nécessairement conçue par nous, qu’elle est absolue et nécessaire par nature. C’est ce que Herbart appelle un non-sens inouï, et c’est à quoi il s’oppose énergiquement. L’observation même de Fichte dans laquelle il le réprouve ouvertement et se prononce en faveur de Schelling, par cette affirmation : que la réalité

  1. Perioden, etc., p. 32.