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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/660

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et la pensée de la réalité sont pour la philosophie transcendante une seule et même chose[1], ne parvient pas non plus à le convaincre. La réprobation de Fichte repose, selon lui, sur un malentendu, car, dit-il une réalité pensée absolument ne peut devenir pour cela absolue et nécessaire de nature, et même, s’il en était ainsi, jamais une réalité pareille ne pourrait être le point de départ de la spéculation. Une réalité absolue, aussi bien dans son existence que dans notre opinion, serait exempte de contradictions et rendrait inutile, par cela même, toute espèce de recherches spéculatives. Après ces observations arrive le point le plus curieux de la critique.

Selon Fichte et Schelling, c’est l’idée du moi qui doit être le principe absolu à la fois dans l’Être et dans notre savoir, ce principe qui, se posant lui-même et s’opposant le non-moi, est le noyau de toute réalité ainsi que le commencement de toute spéculation. Que l’idée du moi est absolument évidente pour notre pensée, c’est ce que Herbart admet volontiers ; mais il découvre après une analyse plus exacte qu’elle renferme un cercle vicieux et ne peut être par conséquent un principe absolu de l’être ; mais elle pourra être, pour cette raison même, le point de départ de la spéculation ; car, évidente pour notre esprit, et malgré cela impossible, elle veut être délivrée de cette contradiction qui l’opprime. Le moi, répète Herbart, est donc un principe d’une valeur absolue pour notre savoir, mais privé de toute réalité absolue. Il ne pourrait, à plus forte raison, engendrer une seconde réalité : celle du non-moi.

Dire que le moi se pose absolument lui-même et se limite en même temps de bon gré par le non-moi, c’est soutenir que . (Perioden, p. 40.) Fichte oppose à cette observation de Herbart une note fort caractéristique : « Celui qui admet la tendance admet par cela même une limitation primitive ; cette limitation est incontestablement primitive, et l’on ne saurait trouver rien qui la précède[2]. Nous venons de lire dans ces propres paroles de Fichte la condamnation la plus formelle, quoique involontaire, de sa philosophie : qui veut rester son adepte fidèle ne doit jamais se permettre de demander d’où viennent cette tendance et celte limitation primitives dans le moi. C’est un fait qu’on est contraint d’accepter sans autre éclaircissement, car il ne peut être jamais expliqué. Voilà à quoi Herbart ne saurait se résoudre ; il exige au contraire l’éclaircissement de cette affirmation toute dogmatique de Fichte. Le point de départ du maître devient pour lui un problème ; armé de sa critique, il pénètre plus profondément que ne l’avait fait celui-là, il

  1. Périoden, etc., p. 34.
  2. Perioden, p. 41.