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pouchet. — histoire de la sensation électrique.

por, précisément en se rapportant à ce passage d’Oppien. C’est là un contre-sens fait sous l’influence d’une notion moderne. Les auteurs du Thesaurus n’étaient pas tombés et ne pouvaient pas tomber dans cette erreur, donnant au mot ϰρύσταλλος le même sens que les anciens, c’est-à-dire celui de glacies, gelu. Claudien, dans une pièce de poésie bien connue sur la torpille, s’inspire d’Oppien :

Sed latus armavit gelido natura veneno ;
Et frigus, quo cuncta rigent animata medullis
Miscuit, et proprias hiemes per viscera duxit.
....................
......... Metuendus ab imis
Emicat horror aquis ; et pendula fila secutus
Transit arundineos arcano frigore nodos
Victricemque ligat concreto sanguine dextram.

Mais un témoignage considérable est celui d’un homme de l’antiquité profondément versé dans les sciences biologiques, nous voulons parler de Galien. Dans plusieurs endroits, il revient sur la torpille, sur les effets de son contact. Et partout il assimile ceux-ci aux effets du froid. Le passage le plus caractéristique est celui où il décrit l’engourdissement (De locis effectis, liv. III, chap. II) : dans les causes diverses qui le provoquent, il n’oublie pas de signaler, à côté de l’action du froid, celle du contact de la torpille. Des Grecs, la même notion passa aux Arabes[1].

Un très-intéressant passage d’Abd-Allatif, qui vivait au xiie siècle, confirme cette interprétation donnée de tout temps à l’impression produite sur nos organes par le contact des poissons électriques, avant l’époque où les mots dont nous nous servons aujourd’hui ont servi à la désigner. « Nous ne devons pas omettre, dit Abd-Allatif dans sa Relation de l’Égypte, le poisson connu sous le nom de râada (ici le silure du Nil), parce que l’on ne peut le toucher, quand il est vivant, sans éprouver un tremblement auquel il est impossible de résister ; c’est un tremblement accompagné de froid, d’une torpeur excessive, d’une formication dans les membres et d’une pesanteur telle que l’on ne peut ni se retenir, ni tenir quoi que ce soit. » (Trad. de S. de Sacy.)

On notera que de Sacy commente le mot râada comme ayant la signification de « poisson qui fait trembler ». Il est en effet remar-

  1. Je dois adresser ici tous mes remercîments à M. Carrière, secrétaire de l’École des langues orientales, qui a bien voulu me prêter pour ces recherches un concours aussi éclairé que dévoué.