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dans les ambitieuses constructions métaphysiques allemandes, ou même italiennes, dont il fait si bien toucher du doigt les défauts et les chimères. Il faut admirer en effet la justesse, la fermeté d’esprit dont il fait preuve dans ses jugements sur tant de systèmes divers, français, allemands ou italiens. Quel remarquable esprit de critique, toujours fondé sur ce qu’il y a de plus solide en philosophie, sur ce qu’il y a de plus en harmonie avec les croyances universelles ! Nul ne personnifie mieux l’esprit philosophique en éveil devant l’esprit de système. Il est sans indulgence, sans pitié pour tout ce qui n’a que l’apparence de la profondeur, avec la réalité de l’obscurité, pour toutes les atteintes panthéistiques, plus ou moins bien dissimulées, à la liberté ou à l’individualité, pour tous les tours de passe-passe métaphysiques, enfin pour tout ce qui ne se comprend pas. Ainsi il ne se laissera pas plus éblouir par la Sovrintelligenza de Gioberti que par l’intelligence supra-consciente de l’Inconscient de Hartmann ; ainsi il n’a qu’une foi bien médiocre aux processus si en honneur dans la philosophie allemande. « Les processus, s’écrie-t-il, c’est si commode ! On leur fait dire tout ce qu’on veut ! » Sous cette critique d’ailleurs, il y a un dogmatisme ferme, bien arrêté, une méthode et des principes qu’on voit sortir de l’insuffisance ou des contradictions des systèmes.

Sauf le jugement trop sévère que nous citions tout à l’heure sur la philosophie anglaise contemporaine, à peine en trouverons-nous quelque autre où nous ne soyons pas en complet accord avec lui.

Parmi les philosophes français dont il nous entretient, le seul actuellement vivant est M. Janet qui mérite bien cette exception. Il apprécie comme il convient, le mérite, le savoir, la profondeur de son grand et bel ouvrage sur les Causes finales, non cependant sans lui reprocher de n’avoir pas maintenu le principe de la finalité comme un principe de la raison, sauf à le démontrer par l’expérience, comme d’ailleurs il le fait si bien, contre les adversaires des causes finales.

De même que M. Franck, nous avons moins de sympathies et d’affinités pour d’autres philosophes d’une tout autre école qui sont déjà bien oubliés, quoiqu’ils aient eu leurs adeptes et qu’ils aient fait quelque bruit, il y a un certain nombre d’années. Il est bien difficile de se rendre compte du succès de l’abbé Bautain à ceux qui, comme nous, ne connaissent que ses ouvrages philosophiques. C’est sans doute par ses qualités personnelles, plus que par ses doctrines, qu’il a eu le don d’agir sur certaines âmes. Comme le dit très-bien M. Franck, cette métaphysique et cette psychologie bizarres ressemblent « au gnosticisme combiné avec l’alchimie et relevé de loin en loin par quelques observations tirées de la science moderne. » L’adversaire passionné et souvent aveugle des doctrines de Cousin, Pierre Leroux, ne nous étonne pas moins avec sa foi dans les mérites et les vertus de sa triade merveilleuse, sensation, sentiment, connaissance. Par le talent métaphysique, comme par le style, Jean Raynaud est bien supérieur à son ami Pierre Leroux ; on lit toujours le beau livre Ciel et Terre ;