manuscrits d’une bibliothèque de Rome[1]. Au sujet même de ce mémoire, un débat très-vif, dont la Revue a parlé, s’est engagé entre M. Fiorentino et M. Ferri. Mais nous n’avons à nous occuper ici que de l’Histoire de la philosophie italienne au xixe siècle, où nous nous plaisons à reconnaître, avec M. Franck, des qualités toutes françaises d’exposition, de méthode, et d’impartialité historique.
Nous ne voulons pas suivre M. Franck dans l’analyse qu’il nous donne des deux volumes de M. Ferri. Une première partie de l’ouvrage est consacrée à l’exposition des doctrines expérimentales qui ont dominé au xviiie siècle en Italie. Une large place est faite à ceux qui ont réagi contre ces doctrines, à Galuppi, que M. Cousin nous a fait connaître ; à Mamiani, notre illustre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques. Mais M. Franck s’est surtout attaché à Rosmini et à Gioberti, dont les systèmes métaphysiques ont eu un si grand retentissement en Italie et ont été exposés avec un soin particulier et beaucoup d’étendue par M. Ferri.
Ni l’un ni l’autre ne nous sont complètement inconnus ; mais tous deux méritaient d’être connus davantage. Gomme penseur, l’abbé Rosmini Serbati l’emporte beaucoup sur Gioberti. Esprit indépendant, autant qu’il pouvait l’être dans le cercle de l’orthodoxie, d’où il n’a pas voulu sortir, fondateur d’un ordre à la fois monacal et philosophique, riche et ayant consacré toute sa fortune à la propagation de ses idées et de sa foi, auteur d’un système qui embrasse l’universalité des choses, moraliste et publiciste, il est digne de la longue étude que lui consacre M. Ferri et dont M. Franck nous donne une analyse critique du plus haut intérêt, même pour ceux auxquels Rosmini n’était pas tout à fait étranger. Par le cardinal Gerdil, un Italien comme lui, l’abbé Rosmini se rattache à Malebranche, avec lequel son système présente quelques ressemblances. Il est un ontologiste, de même que la plupart des principaux philosophes italiens dont nous aurons à parler d’après M. Franck. Pour expliquer les choses, il part, non pas de l’âme et de la conscience, mais de l’idée ou de l’être universel qui, selon lui, est la condition de toute expérience et de toutes nos connaissances, qui seul rend présents à notre esprit tous les objets avec lesquels nous sommes en rapport, qui est à la fois le fondement de la science et de la réalité, comme aussi de la moralité et de la perfection. De cette idée innée, identique à celle de l’être, il déduit les existences particulières et l’âme elle-même, non sans s’exposer, comme tous les ontologistes, à quelques accusations de panthéisme, dont il se défend avec chaleur, et sans doute avec la plus entière bonne foi, en faisant les plus grands et les plus subtils efforts pour concilier ses doctrines avec celles de l’Église et de la foi. Dans l’impossibilité de résumer avec une plus grande brièveté l’analyse si substantielle que donne M. Franck de ses idées métaphysiques, je me borne à noter
- ↑ La psicologia di Pietro Pomponazzi seconda un manoscritto dell' Angelica di Roma. In-4°. Roma, 1876.